Dracula n’est pas le seul personnage de Castlevania inspiré de la réalité ! En effet, la Comtesse Elizabeth Bartley qui apparaît dans The New Generation sur Megadrive se trouve être l’adaptation vidéoludique d’un personnage historique ayant contribué à façonner l’image du vampire au XVIIème siècle en Europe : Erzsébet Báthory (dont le prénom hongrois est souvent occidentalisé en Elizabeth), surnommée la Comtesse Sanglante pour être une tueuse en série des plus prolifiques…
La Comtesse porte bien le rouge !
Née le 7 août 1560 en Transylvanie, Erzsébet Báthory appartient à une longue lignée d’aristocrates importants de sa région ; par exemple l’un de ses oncles paternels a été gouverneur de Transylvanie tandis que du côté de sa mère elle est la nièce de celui qui deviendra roi de Pologne ! Les membres de sa famille étaient cependant loin d’être des saints : on retiendra entre autres que l’un de ses frères était un dépravé notoire qui couchait à tout va, ou que l’une de ses tantes, dame de la cour de Hongrie avec qui Erzsébet passa beaucoup de temps, défrayait la chronique pour son lesbianisme clairement affiché. Mais ce sont encore là les exemples les plus présentables, des parents incestueux, assassins ou en proie à la folie faisant également partis du tableau familial. En outre, il faut bien comprendre que c’était une époque violente et sanglante dans laquelle grandit la jeune Erzsébet, la région étant toujours tiraillée entre diverses cultures et croyances autant religieuses que païennes et guerre contre l’Empire Ottoman…
En vue d’unir deux grandes familles du pays et d’élargir leur pouvoir et influence, c’est à l’âge de onze ans qu’Erzsébet fût promise en mariage à Férencz Nádasdy et confiée à sa future belle-mère conformément à la tradition hongroise pour être élevée en châtelaine soumise et pieuse. On raconte que la jeune fille aurait pourtant eu une aventure avec un paysan dont elle serait tombée enceinte mais que l’affaire aurait été étouffée le temps nécessaire afin de ne pas compromettre les futures noces. Erzsébet se maria ainsi comme prévu à l’âge de quinze ans et son époux lui offrit en cadeau le château de Čachtice, situé dans les Carpates. Férencz étant un guerrier valeureux et sanguinaire, il était souvent absent du domicile conjugal, menant les troupes hongroises contre les Turcs, aussi c’est Erzsébet qui gérait tout le patrimoine et les affaires familiales, ainsi que la défense de leurs propriétés. Les époux ne se voyant guère, il faudra attendre dix ans avant qu’Erzsébet ne devienne mère pour la première fois de la petite Osolya. Par la suite, elle aura d’autres enfants, Katharina et surtout Pal, l’héritier tant attendu. Ceci dit, il semble avéré que la Comtesse était lesbienne, ce qui expliquerait qu’elle était toujours entourée quasi exclusivement de femmes.
On raconte que c’est la venue au château d’un mystérieux visiteur au teint cadavérique et habillé de noir qui provoqua un profond changement dans le comportement et la personnalité d’Erzsébet, devenant une femme violente et capricieuse, obsédée par la jeunesse. Nul ne sait exactement de qui il s’agissait, mais tous les témoignages s’accordent sur la nature maléfique de l’homme, serviteur du Diable pour certains, prototype du vampire pour d’autres, ou encore une sorte de sorcier ayant initié la Comtesse à la magie noire. Cette dernière développa alors une fascination pour le sang le jour où elle frappa l’une de ses servantes et crût que sa peau se revitalisait au contact de l’hémoglobine de sa victime.
A la mort de son mari en 1604, Erzsébet avait déjà un passé de sévices bien rempli et la peur de vieillir comme de s’enlaidir nourrissait sa soif de sang. Il existe beaucoup de rumeurs sur les tortures qu’elle faisait subir aux jeunes filles de préférence vierges qu’elle faisait venir au château de Čachtice. D’abord de simples paysannes puis des filles de nobles, ce sont sur ses ordres que ses plus fidèles serviteurs – sa nourrice Ilona Jó, sa servante Dorottya Szentes (dite Dorkó), la lavandière Katalin Benická et son homme à tout faire le nain János Újváry (nommé aussi Ibis ou Ficzkó) – maltraitaient, mutilaient et vidait de leur sang ces victimes innocentes pour satisfaire les instincts sanguinaires de la Comtesse. On raconte qu’une sorcière du nom de Darvulia Anna complétait la morbide troupe d’âmes damnées mais qu’elle ne prenait pas vraiment part au sale travail… Toujours est-il que la rumeur décrit la Comtesse comme aimant se baigner dans le sang ainsi récolté pour retrouver sa jeunesse, et que sa peau délicate ne supportant d’être essuyée avec des serviettes, il fallait que de jeunes servantes lui lèchent le corps tout entier ! Celles qui ne supportaient pas ce supplice étaient sévèrement châtiées et devenaient ensuite les nouvelles victimes exsangues de la Comtesse à leur tour…
La folie meurtrière d’Erzsébet ne semblait pas avoir de limites ni de discrétion étant donné que ses atrocités furent rapportées publiquement à la cour de Vienne, mais le statut social de celle qu’on appelait déjà la Comtesse Sanglante rendait son arrestation difficile. Aussi il fallut l’intervention de l’Empereur Matthias Ier du Saint-Empire pour que soit commissionné une enquête sur la Comtesse, et ce fût György Thurzó, palatin de Hongrie et propre cousin d’Erzsébet, qui en fût chargé. Plutôt que de causer un scandale public et de jeter la disgrâce sur la famille Báthory, l’enquêteur trouva un compromis en assignant la Comtesse à résidence alors que tout la menait à l’exécution. Le procès de la Comtesse Sanglante aura pourtant bien lieu malgré l’absence de sa principale accusée et le nombre de ses victimes varient grandement selon les témoignages, allant d’une cinquantaine à 650 ! Il va de soit que ces dires sont à prendre avec beaucoup de précautions mais ils alimentent sans aucun doute la légende autour d’Erzsébet Báthory. Le verdict tombera vite : les complices de l’aristocrate seront condamnés à la décapitation, à l’immolation par le feu ou au mieux à l’emprisonnement à vie tandis que la Comtesse sera emmurée vivante dans ses appartements privés de son château de Čachtice en 1610, laissant juste une petite ouverture pour lui fournir de quoi boire et manger chaque jour jusqu’à sa mort qui survint le 21 août 1614.
L’affiche originale du film Comtesse Dracula !
Ainsi, la légende d’Erzsébet Báthory traversera les siècles en faisant d’elle l’une des plus célèbres meurtrières de l’histoire hongroise et slovaque, et son goût prononcé pour le sang l’assimilera au mythe du vampire, lui valant les surnoms de « Comtesse Sanglante » ou même de « Comtesse Dracula » ! Plusieurs films bien différents ont d’ailleurs essayé de retracer la vie de ce personnage historique, à commencer par Comtesse Dracula en 1971 chez la Hammer, ou plus récemment Chroniques d’Erzébeth du cinéaste slovaque Juraj Jakubisko en 2008, ou encore La Comtesse de et avec la comédienne et réalisatrice Julie Delpy en 2009. En musique, divers groupes de metal ont également rendu hommage à la meurtrière sanguinaire dans des chansons ou des titres d’albums, et les jeux vidéo ne sont pas en reste non plus, des titres comme Diablo II, Atmosfear IV ou encore une fois Castlevania : The New Generation faisant allusion ou s’inspirant de la Comtesse Sanglante et de sa légende…
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Bande-annonce du film La Comtesse