Parmi les inspirations de Castlevania, les monstres du cinéma d’horreur en sont le coeur, à commencer par le Comte Dracula bien sûr ! Et si Universal avait ouvert le bal des vampires, c’est davantage à la Hammer que la licence doit son cachet gothique. Petit tour d’horizon de ces studios pas comme les autres…
La Hammer est une société de production de films basée au Royaume-Uni fondée en 1934 par William Hinds et Enrique Carreras. Spécialisée dans le cinéma de genre mêlant œuvres de science-fiction ou à suspense, la compagnie est surtout renommée pour ses films d’horreur sortis entre le milieu des années cinquante et le début des années soixante-dix qui ont eu un succès retentissant dans le monde entier grâce à des partenariats avec des studios Hollywoodiens très influents comme ceux de la Warner Bros. Mais la saturation du marché entraînera un changement de formule chez la Hammer qui obtiendra des retours financiers irréguliers provoquant sa disparition des salles obscures à la fin des années soixante-dix.
Après des débuts très inégaux dans le milieu qui amèneront la Hammer à signer des partenariats divers et à réutiliser les mêmes décors (les studios Bray) dans la majorité de ses productions plus tard par souci d’économie – ce qui créera par la même occasion le style visuel unique des studios, élément imparable de l’atmosphère gothique de ses films d’horreur – il faudra notamment attendre l’embauche du réalisateur Terence Fisher en 1951 pour que la qualité soit nettement revue à la hausse. Celui-ci jouera un rôle déterminant dans le futur de la société bien qu’il ne réalisa pas le film de science-fiction et d’horreur Le Monstre (ou Quatermass Experiment en VO) en 1955, lequel fût confié à Val Guest et marqua le début de l’âge d’or des studios en devenant un succès inattendu qui amena la Hammer à se diriger pleinement vers le film d’horreur.
Lors de discussions de partenariat avec l’Associated Artists Productions (ou A.A.P.), celle-ci proposa à son confrère britannique un script adaptant à nouveau le roman Frankenstein mais le spectre d’une bataille juridique avec Universal bouleversa la donne et amena beaucoup de changements. Toutefois, Frankenstein s’est échappé (ou The Curse of Frankenstein en VO) fût tourné en couleur par Terence Fisher avec Peter Cushing dans le rôle du docteur et Christopher Lee dans celui de la créature pour une sortie en 1957. Le film fût un immense succès (il aura droit à six suites !) qui scella à la fois l’association du réalisateur et des deux acteurs mais aussi le cachet visuel des productions du studio en bouleversant les codes de la censure grâce à la profusion de détails horribles concrets (précurseurs du cinéma gore) et non plus suggérés comme chez Universal. A ce sujet, l’apport de la couleur au film sublime le rouge du sang et deviendra une marque de fabrique des studios.
Il n’en faudra pas moins à la Hammer pour se lancer dans leur adaptation maison d’une autre icône du cinéma d’horreur en 1958 avec Le Cauchemar de Dracula (ou simplement Dracula en VO) qui réunit à nouveau l’équipe gagnante de Frankenstein s’est échappé. Coup double pour la Hammer, cette reprise du personnage de Bram Stoker consacre le jeu d’acteur de Christopher Lee qui apporte une nouvelle dimension au célèbre Comte, à la fois effrayante créature de la nuit et séducteur impitoyable. Ceci dit, on notera que si le film engendra un faste cycle vampirique de quinze œuvres, il faudra patienter 1966 pour que l’acteur ne réendosse la cape de Dracula pour six suites (il cèdera le rôle une septième et ultime fois pour divergences artistiques). Ce nouveau succès au box-office mondial assoit l’influence du studio qui s’emploiera à reprendre les autres monstres classiques du cinéma Hollywoodien, à commencer par la momie dans La Malédiction des Pharaons en 1959 (ou simplement The Mummy en VO) toujours avec le trio magique Fisher – Cushing – Lee (mais sans eux dans les trois suites), ou encore le Docteur Jekyll et Mr Hyde d’après la nouvelle quasi-éponyme de Robert Louis Stevenson dans Les Deux Visages du Dr Jekyll en 1961.
D’autres créatures fantastiques auront moins de visibilité et se restreindront à un unique long-métrage comme le lycan dans La Nuit du loup-garou en 1961, le fantôme de l’Opéra dans l’adaptation éponyme du roman de Gaston Leroux en 1962, ou encore la méduse dans le film La Gorgone en 1964. La Hammer diversifiera tout de même ses productions dans d’autres genres comme le policier avec l’adaptation de la plus célèbre aventure de Sherlock Holmes signée Arthur Conan Doyle à savoir Le Chien des Baskerville en 1959 (également avec la même fine équipe au générique), ou encore le film d’aventures teinté d’érotisme très soft dans un petit cycle préhistorique débuté avec Un million d’années avant J.C. en 1966 permettant d’admirer la plastique de l’actrice Raquel Welch, ou bien celui plus court de She avec la plantureuse Ursula Andress dans le premier épisode La Déesse de Feu en 1965.
Pourtant, la concurrence dans le registre de l’horreur et de l’épouvante fait rage dès le début des années soixante-dix et les bonnes idées scénaristiques pour faire revenir les monstres du cinéma se font rares, ce qui amène la Hammer à revoir ses méthodes de production au prix de la qualité de ses œuvres. On relèvera ici la trilogie Karnstein très librement basée sur le roman Carmilla de Sheridan Le Fanu qui accentuera explicitement la relation lesbienne des personnages principaux dès The Vampire Lovers en 1970. Bien d’autres productions suivirent mais sans jamais atteindre l’aura de la décennie précédente et amenèrent la société à disparaître du grand écran en 1979.
Toutefois, la Hammer tenta une reconversion à la télévision d’abord en 1980 avec la série La Maison de tous les cauchemars (ou Hammer House of Horror en VO) puis Hammer House of Mystery and Suspense en 1984, mais sans jamais égaler le succès d’antan. La société se met doucement en sommeil dans les années quatre-vingt dix par la suite mais, la mode étant au revival au tournant des années deux mille, plusieurs films d’horreur ont été produits récemment à commencer par Beyond The Rave en 2008, puis surtout La Dame en noir en 2012 porté par la célébrité de l’acteur Daniel Radcliffe (c’est-à-dire l’interprète du sorcier Harry Potter au cinéma). L’avenir nous dira s’il s’agit d’une réelle résurrection pour la Hammer ou un simple effet de mode.
Pour conclure, même si la société éprouve des difficultés à rester pérenne, son impact dans le cinéma mondial est toujours bien vivant, nombre de réalisateurs comme Tim Burton ont été influencés par ses productions et nul ne pourra nier que les films d’horreur actuels doivent énormément à la mise en scène des œuvres de la Hammer. Enfin, l’héritage du studio s’étendra jusqu’au Japon pour inspirer la licence Castlevania de sa mythologie à son style graphique et son ambiance gothique dès son premier épisode en 1986 qui parodiera volontiers les noms les plus prestigieux du studio dans son générique de fin. Preuve est faite de la puissance évocatrice des films de cette société de production cinématographique d’exception !
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