23 décembre 2024

[ANALYSE] Super Castlevania IV sur Super Nintendo

Initialement sorti au Japon sur Super Famicom le 31 octobre 1991 (le jour d’Halloween !) puis en décembre de la même année aux USA sur Super NES, les joueurs européens devront patienter l’été 1992 (le 27 août précisément) pour poser les crocs mains sur Super Castlevania IV après que la presse spécialisée en ait plusieurs fois fait l’écho plus que favorablement. Annoncé comme le quatrième opus sur console de salon de la licence, le hit attendu est en réalité le remake de l’épisode fondateur sur Famicom Disk System / NES, portant d’ailleurs le même titre que celui-ci au Japon, à savoir Akumajō Dracula tout simplement. Rapidement devenu incontournable auprès des joueurs avides de châteaux lugubres et de héros solitaires équipés d’un simple fouet et de quelques armes secondaires, Super Castlevania IV mérite t-il pour autant son statut de jeu culte ?

Super Castlevania IV FAH coverSimon est de retour !

La réécriture d’une œuvre est un art difficile. Peut-on jusqu’à en oublier l’original quand le résultat en sublime les fondements ? Faut-il bien faire la distinction entre les différentes versions ? Ou encore est-il préférable de ne jamais (re)toucher une vision d’auteur(s) pour passer à autre chose ? Le débat reste ouvert mais le cinéma Hollywoodien s’étant fait une spécialité de refaire régulièrement ses plus grands succès, personne ne sera surpris que le jeu vidéo en fasse de même, surtout quand le titre originel rend en grande partie hommage à tout un genre de films ! Ainsi, alors qu’il jouissait déjà de versions alternatives sur MSX2 ou en arcade par exemple, Konami décida de reprendre une nouvelle fois l’histoire de son héros Simon Belmont dans sa lutte légendaire contre Dracula et les forces du Mal, profitant des possibilités nouvelles permises par la Super Famicom / Super Nintendo pour oser de nouvelles idées de gameplay et de level design, et ainsi offrir une vision réactualisée de Castlevania – la licence comme le château de Dracula lui-même.

SCIV introUne mise en bouche à vous glacer le sang !

L’introduction donne le ton de l’aventure à venir : une musique lugubre accompagne la caméra se focalisant sur une flaque de sang (dans la version japonaise uniquement) qui dégouline du titre du jeu apparaissant sur une pierre tombale. Plusieurs coups de tonnerre et quelques ombres de chiroptères confirment le sentiment funeste qui se dégage de ces premières secondes ; puis après un fondu au noir arrive très vite un plan plus large sur la tombe d’un certain Dracula (orthographié Dracura au Japon) mystérieusement restée anonyme en occident ; le ciel s’assombrit brusquement et la foudre fait exploser ce lieu de repos d’habitude éternel pour que puisse apparaître l’âme de son propriétaire sous la forme d’une chauve-souris virevoltante – car enfin libérée de son sommeil séculaire – qui finit par s’échapper de notre champ de vision. Une épaisse nappe de brouillard envahit alors l’écran et se met à défiler un texte contant la légende de Dracula revenant tous les cent ans dans le monde des vivants, ainsi que le combat transgénérationnel de la famille Belmont contre celui-ci et les forces du Mal. Cette fois-ci c’est au tour de Simon de prouver sa valeur et sa vaillance face aux dangers de Castlevania avant de renvoyer son propriétaire dans les ténèbres afin de ramener la paix en Transylvanie…

SCIV 01Quand faut y aller…

Une fois le bouton start pressé avec un hurlement de loup (garou ?) en guise d’acceptation de son destin de joueur, puis en laissant éventuellement un nom gravé dans le marbre pour la postérité, le brouillard se dissipe de sorte que l’on puisse deviner les lieux effrayants qui nous attendent ; un claquement de fouet de Simon bien silencieux suffit à empêcher l’angoisse de se saisir du joueur et il peut ainsi s’engouffrer sur le chemin de l’horreur… Les premiers pas sont pourtant bien calmes, mais c’est d’autant plus suffisant pour que l’on puisse se familiariser rapidement avec les mouvements de son personnage en toute quiétude. Pourtant vient très vite le moment de passer le pont-levis qui se referme sur le héros et son destin : revenir en arrière est impossible, il va devoir se battre et vaincre, ou mourir… Une fois dans l’enceinte, des grilles surgissent du sol et la musique change sur Simon Belmont’s Theme pour laisser apparaître les premiers ennemis, des squelettes dont les os volent en éclats au premier coup de fouet ! Il n’en faut pas davantage pour motiver le joueur à s’investir complètement dans l’aventure de Simon en oubliant la peur qui commençait à s’emparer de lui peu avant…

SCIV 02… Faut y aller !

Puis le rythme de l’action s’enchaîne (ou plutôt se déchaîne) dans un cortège hallucinant jusqu’au premier game over, mais il en faut désormais bien plus pour arrêter le joueur littéralement possédé par la frénésie des coups de fouet, presque aussi assoiffé de sang que Dracula ! Ainsi, sans déroger à la licence, on remarque une approche très cinématographique pour immerger le joueur dans Super Castlevania IV, d’abord de manière lancinante pour planter le décor avant d’accélérer aussi brusquement que notre cœur s’emballe avec ce sentiment de puissance en prime qui donne une impression de liberté nouvelle : on a pleinement le contrôle de la destinée de Simon Belmont et rien ne nous arrêtera !

SCIV 03La route est longue et périlleuse… Mais toute tracée !

Pourtant ce ne sont pas moins de onze niveaux inédits ou réinventés qui séparent désormais le héros de sa Némésis dans Super Castlevania IV contrairement aux six du jeu fondateur. L’expérience de l’éditeur sur – notamment – la trilogie Famicom / NES et deux épisodes sur Game Boy permet de voir les choses en grand et le changement de hardware de ne plus être limité par la technique encore une fois. Si Castlevania avait posé les bases que Simon’s Quest a en partie détournées par la suite, lesquelles seront affinées dans Dracula’s Curse avec brio, Super Castlevania IV quant à lui revient à ses origines en matière de système de jeu, à savoir une orientation sang pour sang 100% action où le joueur doit parcourir tous les niveaux à la suite de façon très linéaire malgré quelques variations bienvenues au sein de certains stages avant d’atteindre la salle du trône pour le duel final.

SCIV 04Forêt, cavernes, chutes d’eau… Simon voit du pays !

En réalité, Simon Belmont devra d’abord atteindre Castlevania par ses alentours et dépendances, à commencer par son enceinte et ses écuries gardées par le squelette Rowdain et son destrier osseux, puis en traversant la forêt et ses marécages en affrontant Médusa prestement avant de s’engouffrer dans les cavernes précédant la cité engloutie dans laquelle rôdent les dragons des mers (ou vipères orphiques selon la notice). La tristement célèbre Tour de la Mort (et ses pièges renversants) sera la destination suivante du héros qui ne pourra la franchir qu’en détruisant le crâne géant Puweyxil et le golem de pierre géant Kuranot de sorte à voir enfin apparaître Castlevania et s’y infiltrer par la grande porte. Le hall d’entrée semble familier mais c’est sans compter sur les esprits danseurs qui hantent ces lieux !

SCIV 05Les environs sont mal famés…

Puis ce sera en passant par la bibliothèque garnie de livres volants et secrètement gardée par l’armure d’or de Sir Grakul que Simon finira par tomber dans les geôles infectes et remonter via le laboratoire pour y trouver la créature de Frankenstein… Ensuite le héros arrive à la salle des trésors du château qui porte bien son nom tant l’opulence y règne, jusque dans son boss la chauve-souris géante Zapf faite de pièces d’or ! La victoire révèle un escalier vers la périlleuse tour de l’horloge au sommet de laquelle la momie Akmodan II attend les intrus de bandelettes pied ferme… Enfin, après avoir traversé le pont en décrépitude liant les deux tours, Simon accèdera au donjon au terme d’une longue et ultime ascension sans aucun espoir de revenir en arrière ; mais même ces derniers pièges de haute voltige n’auront raison de la détermination du chasseur de vampires, pas plus que la garde rapprochée du Comte, les redoutables Slogra, Gaibon et sa précieuse alliée de toujours la Mort ! Et sonne le glas de la confrontation finale de laquelle il ne pourra sortir qu’un seul vainqueur : Simon Belmont bien sûr !

SCIV 06Geôles, salle des coffres, murs extérieurs : le château est vaste !

Si certains peuvent regretter le manque d’audace de cette épisode là où l’ultime opus Famicom / NES semblait avoir trouvé un excellent compromis entre action et exploration, il faut déjà se rendre compte que Dracula’s Curse et Super Castlevania IV ont été développés en même temps, aussi l’équipe de développement du jeu Super Famicom / Super Nintendo dirigée par Masahiro Ueno (crédité en Jun Furano dans le jeu car Konami n’autorisait pas ses employés à signer leurs œuvres de leurs vrais noms à l’époque) est totalement nouvelle sur la licence – apportant ainsi une fraîcheur inédite – et il faut ensuite bien admettre que passer à côté d’une partie de son travail sur une run aurait été une belle erreur tant parcourir l’ensemble des niveaux demeure une expérience riche et intense donnant – « enfin » si je puis dire – toute son identité au château de Dracula qui est assurément l’incarnation-même de son propriétaire ! En effet, la variété offerte par les décors est plutôt dense ; c’est bien simple : aucun stage ne ressemble à un autre, chacun ayant son caractère propre et une ambiance particulière, que ce soit par exemple celui des geôles qui est vraiment répugnant avec ses égoûts de sang (dans la version japonaise uniquement, l’effet est différent avec le même liquide recoloré en vert dans les éditions occidentales) ou encore le niveau 9 dans lequel Simon marche sur de l’or (jusqu’à pouvoir s’y noyer !) et des coffres remplis de pierres précieuses d’un bout à l’autre !

SCIV 07Pas de temps à perdre !

Visuellement, Super Castlevania IV offre un lifting complet à l’aventure de Simon, puissance d’une console 16-bits oblige. Ainsi, chaque décor bénéficie d’un soin particulier, jusque dans les détails souvent animés des arrière-plans auxquels on ne prête pas forcément attention à priori (rien que le tout début du jeu présente un rocher en forme de crâne duquel s’échappent apparemment des chauves-souris !) mais qui donnent tout leur cachet au niveau dans lequel le héros évolue. C’est pourquoi le joueur expérimenté ne pourra s’empêcher de s’arrêter de temps en temps pour mieux repérer toutes ces petites attentions graphiques qui permettent toujours plus de s’imprégner de l’ambiance des lieux, autrement dit de Castlevania et ses alentours. On notera par exemple que la gestion de plusieurs scrollings différenciés dans le décor donne à la licence une allure nouvelle, sinon un second souffle de vie à un château plus gothique que jamais.

SCIV 08Castlevania vous fait tourner la tête !

A vrai dire, les développeurs s’en sont surtout donné à cœur joie avec le fameux mode 7 de la Super Famicom / Super Nintendo permettant à un arrière-plan d’être pivoté et redimensionné par des procédés de rotation et de zoom, pouvant créer un effet de perspective (sinon de simuler un effet de profondeur en utilisant uniquement de la 2D). Si les débuts dans le jeu révèlent rapidement ce que la console a dans le ventre avec le lever du pont-levis en premier lieu, c’est surtout la Tour de la Mort du niveau 4 avec ses pièces tournant sur elles-mêmes – jusqu’à son boss (un golem géant) rétrécissant à chaque coup reçu – qui fait office de réelle démonstration technique sur les capacités de la 16 bits de Nintendo, sans oublier le passage culte des chandeliers géants au niveau 6. D’ailleurs ce n’est pas pour rien si Super Castlevania IV est très vite mentionné parmi les titres exploitant au mieux l’étendue du mode 7 de la Super Famicom / Super Nintendo…

SCIV 09Rowdain, Médusa, et les dragons des mers…

En outre, les capacités sonores de la console sont elles aussi améliorées et font bénéficier au jeu une qualité digne de celle d’un CD, permettant notamment des effets acoustiques jusqu’ici inédits comme la réverbération ou le vibrato, que l’on peut savourer dans la première partie du stage 3 grâce à son BGM The Cave notamment. D’ailleurs toutes les musiques du jeu composées par Masanori Adachi et Taro Kudo – qu’elles soient la réorchestration de thèmes connus de la trilogie 8 bits comme Vampire Killer, Bloody Tears ou encore Beginning, ou des nouveautés comme Simon Belmont’s Theme bien souvent reprises à leur tour dans des épisodes ultérieurs – sont somptueuses et plongent le joueur dans une ambiance unique. Ensuite tous les bruits – du simple claquement de fouet au râle d’agonie des ennemis – apportent un réalisme saisissant au titre et contribuent fortement à donner de la vie au château à et ses habitants.

SCIV 10Puweyxil, Kuranot, et le couple de danseurs fantômes !

Cependant, si Super Castlevania IV ne se résumait qu’à être une belle vitrine technologique pour Konami ou Nintendo, fort est à parier qu’il ne traverserait pas l’épreuve du temps avec autant d’aisance. En fait, là où le jeu s’offre une place parmi les meilleurs épisodes de la licence, c’est en ne faisant pas semblant d’être un remake clinquant ne jurant que par sa technique mais en se donnant les moyens authentiques de s’affranchir de certains des codes de la série qu’on pensait définitivement acquis sinon immuables, comme Dracula’s Curse avait redéfini plusieurs bases avant lui (lequel a en réalité été développé en parallèle au risque de me répéter).

SCIV 11Sir Grakul, la créature de Frankenstein, et la chauve-souris Zapf !

De son propre aveu dans son interview du N°119 du magazine anglo-saxon Retro Gamer, le réalisateur Masahiro Ueno a voulu faire de Super Castlevania IV « un pur jeu d’action dénué d’ingrédients RPG, similaire au Castlevania originel » en s’aidant des capacités du nouveau hardware à sa disposition pour transcender l’expérience de jeu, même s’il tempère vite ses propos en ajoutant que « si Dracula’s Curse était sorti avant [qu’ils ne commencent] Super Castlevania IV, [ils auraient] suivi sa direction » (c’est-à-dire les embranchements en fin de niveau). L’équipe fera des merveilles – certains quittant plus tard Konami pour fonder le studio Treasure (auteur du survitaminé Gunstar Heroes sur Megadrive par exemple) tandis que Ueno ajoutera notamment un certain Contra III : The Alien Wars / Super Probotector à son palmarès (en tant que conseiller technique), excusez du peu !

SCIV 12Akmodan II, Slogra, et Gaibon…

Pour en revenir concrètement au titre qui nous intéresse ici,  le terrain d’expérimentation des programmeurs amènera le personnage jouable à sortir du carcan rigide dans lequel les précédents épisodes ont confiné ses différents héros. En d’autres termes, jamais Simon Belmont n’aura été aussi libre de ses mouvements ! D’abord le joueur peut le contrôler quasi-complètement – que ce soit debout ou accroupi, au sol ou en plein saut ! – mais en outre la dangereuse contrainte des escaliers à monter et descendre se voit partiellement réhabilitée car Simon s’y colle automatiquement quand la plate-forme où il se trouve le touche (évitant ainsi nombre de chutes accidentelles), et il peut surtout sauter dessus (ou à travers !) sans devoir en parcourir la totalité, sans oublier que s’y défendre en bougeant devient bien plus aisé car l’utilisation des armes secondaires se fait via le bouton R et plus la combinaison croix directionnelle vers le haut + B rendant l’ascension souvent confuse sinon hasardeuse sur 8 bits !

SCIV 13La redoutable Mort et le Comte Dracula lui-même !

Ensuite (et c’est de loin l’atout majeur du gameplay), jamais manier le Mystic Whip n’aura été plus agréable et facile ; en effet, Simon peut attaquer dans toutes les directions (jusqu’à huit en plein saut) et également brandir son arme fétiche, la faire tournoyer un peu comme un lasso, sans oublier bien sûr de s’en servir pour s’agripper à certains crochets et franchir des précipices tel un Indiana Jones médiéval en se balançant d’une plate-forme (ou point d’accroche) à l’autre – avec les possibilités de s’immobiliser et de modifier la longueur de son fouet pour optimiser son saut en prime ! On notera au passage que Super Castlevania IV sera le seul épisode de la saga à proposer une telle liberté d’action à son héros ; ainsi un gameplay aussi instinctif apporte au titre une accessibilité indéniable et contribue à lui créer une aura aussi unique.

Ceci dit, il semble facile de croire que Simon se laisse dompter facilement, alors qu’en réalité la progression dans les niveaux est telle un ballet dont les pas s’apprendraient de façon assez intuitive mais où la capacité d’improvisation du joueur se réduirait face aux bosses.  Ainsi, la force de Super Castlevania IV est de ne (jamais) vraiment laisser perdurer le sentiment de chorégraphie immuable en raison de la puissance de son héros. D’ailleurs le joueur passe rapidement du danseur balbutiant à l’artiste confirmé sans s’en rendre vraiment compte. En allant encore plus loin, il en devient lui-même le metteur en scène du spectacle du jeu (qui n’a jamais essayé de prendre la pose en attrapant l’orbe rouge à la fin d’un niveau ?), et le maître des lieux par extension – jusqu’à aller bouter l’actuel propriétaire hors de chez lui qui prend alors tout son sens ! Et, aussi paradoxal que cela semble être, l’apprentissage du charisme se fait naturellement chez le joueur à travers Simon grâce à cette prise de confiance progressive et continue.

SCIV 14On peut fouetter en diagonale !

Toutefois, on notera que la difficulté du jeu en prend justement un coup là où la licence a toujours été redoutée comme appréciée jusqu’ici pour le challenge qu’elle offre aux joueurs. Mais à y regarder de plus près il s’agit d’une difficulté progressive bien répartie sur les onze niveaux que compte l’épisode ; autant les premiers stages sont vite expédiés et leurs bosses aussi promptement défaits, autant avancer devient moins aisé dès que Simon a réellement franchi les portes de Castlevania à la moitié du titre. Atteindre Dracula n’est pas une partie de plaisir, la dernière longue ascension de Simon poursuivi par une scie circulaire géante restera pour beaucoup de joueurs une source de stress inoubliable, sans oublier qu’ensuite le chasseur de vampires doit en plus se débarrasser de la garde rapprochée du Prince des Ténèbres (constituée de trois bosses successifs : Slogra, Gaibon et bien sûr la Mort) avant de pouvoir se confronter à celui-ci dans un final dantesque.

En outre, on remarquera vite dans cet épisode que le héros se dirige toujours vers le haut au fur et à mesure de son avancée malgré une chute notable dans les geôles. Certes il y a évidemment des variations inévitables (sinon salvatrices) à l’intérieur-même des niveaux qui contribuent à effacer un peu l’impression de linéarité mais la progression du joueur et du héros demeure toujours ascendante. Et ce mouvement vertical devient de plus en plus risqué d’un niveau à l’autre, c’est-à-dire que le droit à l’erreur diminue à mesure que Simon grimpe. En résumé, Super Castlevania IV en devient un épisode vraiment accessible à la difficulté bien dosée grâce à la souplesse de son gameplay, sans oublier les quelques largesses qu’offrent certaines options (en sus des rôtis cachés dans certains murs s’ajoutent des ailes de poulet rendant la progression plus supportable), et non en raison du degré de perversité des pièges tendus sur le parcours de Simon qui n’ont pas grand chose à envier à ceux des épisodes précédents.

SCIV 15Simon s’en balance !

En outre, le joueur averti remarquera que si ce remake ajoute une nouvelle dimension à la franchise, il n’en oublie pas ses prédécesseurs pour autant et leur rend hommage d’une manière ou d’une autre. Passée l’aventure en elle-même mettant à jour la trame du titre fondateur en inscrivant son scénario dans une lutte séculaire contre le Prince des Ténèbres et la liant naturellement aux opus Famicom / NES et Game Boy, le joueur retrouve l’intégralité des bosses de l’épisode fondateur – transformés pour l’occasion et disséminés différemment ici – à savoir la chauve-souris géante (faite de pièces d’or) au terme de la salle des trésors, Médusa un peu avant la fin des marécages, la momie (bien que sans sa jumelle cette fois-ci) en haut de la tour de l’horloge, la créature de Frankenstein (sans l’horripilant Igor mais capable de se dédoubler !) à l’issue du laboratoire, et la redoutable Mort juste avant l’inévitable Dracula bien sûr.

Quant à l’aspect parodique de films d’horreur de ce même volet, certes il n’est pas mis en avant in-game au profit d’une atmosphère sombre et définitivement gothique mais il n’est pas non plus oublié : ainsi quelques subtils éléments humoristiques apparaissent dans les noms de certains bosses  dans les notices occidentales du jeu : lu à l’envers, le crâne géant à la langue bien pendue Puweyxil donne « lixyewup » (« licks you up » soit « te/vous lèche complètement » en français), et le golem rocheux s’appelle Koranot, anacyclique de « tonarok » (ou plutôt « ton o’ rock » orthographié plus convenablement, c’est-à-dire « tonne de pierre »), tandis que le couple d’esprits danseurs du hall d’entrée est dénommé Paula Abghoul et Fred Askare, parodie bon enfant des célèbres artistes américains Paula Abdul et Fred Astaire rappelant les jeux de mots similaires du générique de fin de Castlevania !

SCIV 16Une statue familière et des chutes de pierre : serions-nous dans Dracula’s Curse ?

De plus, Super Castlevania IV offre plusieurs références à Dracula’s Curse : tout d’abord la carte entre chaque niveau s’étend elle aussi  – mais en y ajoutant un zoom du plus bel effet – des environs de Castlevania pour se perdre dans ses couloirs intérieurs ; ensuite le duo de dragons des mers rouges qui barraient la route de Trevor au bout de la ville noyée des Poltergeists sur console 8 bits est présent à la fin de la cité engloutie sur Super Famicom / Super Nintendo, ou encore plusieurs statues ressemblant étrangement à Sypha Belnades sont visibles juste avant de pénétrer dans Castlevania au niveau 5-2 du remake de l’épisode fondateur, sans oublier la reprise de Beginning dans le stage B-2, thème musical auparavant associé à l’ancêtre de Simon. De surcroît, on pourrait également voir une partie des niveaux 3 et 4 comme des versions grand écran et réactualisées de ceux des cavernes et de la Tour de la Mort de The Adventure, posant toujours davantage Super Castlevania IV comme l’héritier légitime et incontournable de la licence au moment de sa sortie…

L’éventail des armes secondaires à disposition reste quant à lui très classique dans la forme et dans la continuité des épisodes précédents ; ainsi on y retrouve les traditionnelles dagues, croix-boomerang, haches de jet, eau bénite, et montre stop-temps dont l’utilité réelle est directement amputée par la force dévastatrice du Mystic Whip.  On fait le même constat d’une formule globalement conforme à la licence pour ce qui est du bestiaire qui ne s’écarte guère des ennemis déjà rencontrés ailleurs sinon pour les modifier un peu, à l’image des Mudmen qui se multiplient en êtres de plus en plus petits au lieu de s’effondrer immédiatement au premier coup de fouet.

SCIV 17Meurs, pourriture communiste vampirique !

Ainsi, au vu de tous ces éléments, on conviendra aisément que Super Castlevania IV éblouit vite sur la forme et innove harmonieusement sur le fond tout en faisant preuve d’un admirable respect à ses prédécesseurs en brisant plusieurs codes de la série en douceur, sinon de manière très naturelle en gommant notamment plusieurs rigidités de gameplay difficiles à supporter pour le joueur lambda. En d’autres termes, Akumajō Dracula est redéfini dans la continuité sur un nouvel hardware pour se rendre accessible au plus grand nombre (on pensera d’ailleurs au recours à un désormais habituel système de mots de passe qui permet de reprendre l’aventure où on l’a interrompue sans devoir la reprendre à zéro) en offrant davantage de liberté de mouvements à son héros Simon Belmont, et en adoucissant le sentiment de frustration du joueur par la même occasion.

Enfin, la direction artistique de l’équipe de Masahiro Ueno apportera l’œil neuf et bienveillant que jamais le château de Castlevania n’avait eu auparavant, faisant de celui-ci un personnage à part entière aussi vivant que flamboyant dans la licence, un travail d’orfèvre hélas partiellement terni par la censure des versions occidentales se voyant dépourvues de croix dans l’introduction, de statues révélant leurs poitrines généreuses dans le niveau 5, mais surtout de sang dès l’ouverture du jeu et à défaut recoloré en vert (sic) dans les geôles… En définitive, bien qu’imparfait, Super Castlevania IV est un authentique chef d’œuvre vidéoludique permettant la redécouverte de lieux qu’on croyait pourtant déjà bien connaître car non seulement enrichis d’améliorations passées mais en outre agrémentés de détails pertinents faisant toute la différence et la magie de la licence : un perpétuel retour aux sources, une (quasi) même histoire racontée encore et encore de génération en génération avec un plaisir à chaque fois renouvelé. Merci Konami !

SCIV 18Mission accomplie de façon magistrale !

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