Acte III, scène 7 : L’art du clin d’œil au service du background ?
On le sait depuis le premier Lords of Shadow, MercurySteam aime faire de multiples références, et cet ultime épisode n’est pas en reste… Vous trouverez ci-dessous un petit florilège non exhaustif au regard de la taille du jeu !
Pour commencer, le jeu fait des clins d’œil plus ou moins appuyés à d’autres épisodes de la saga :
- Lords of Shadow 2 fait la part belle à Symphony of the Night ; dès l’introduction du jeu, en contemplant l’armée gigantesque se dressant devant lui, Dracula monologue « What is a man ? A miserable little pile of secrets ! » avant d’aller se battre quand il est interrompu par l’arrivée du paladin qui lui assène « Die monster. You don’t belong in this world ! » (propos qu’il réitèrera pendant leur duel). Les fans auront bien évidemment reconnu mot pour mot les répliques les plus célèbres du dialogue entre le Comte et Richter dans le prologue de l’épisode 32 bits… Le ton est ainsi donné, Lords of Shadow 2 semble vouloir se poser comme l’héritier en 3D de l’opus ayant redéfini les bases de la saga, rien que ça ! En fait, on se rend vite compte que les structures des deux jeux se rejoignent, certains passages inaccessibles à la première visite deviennent ouverts plus tard une fois un nouveau pouvoir débloqué, forçant à faire des allers-retours pour découvrir l’intégralité de la map et ainsi progresser. En outre, la ville de Castlevania et le château de la réalité parallèle dans Lords of Shadow 2 sont un sous-entendu de la demeure du Comte et de son pendant inversé dans l’épisode 32 bits. Enfin, l’illustre maître-bibliothécaire de Symphony of the Night n’est pas oublié non plus car il est l’auteur de plusieurs notes sur les créatures peuplant la sombre bâtisse du Prince des Ténèbres.
- Autre épisode évoqué fréquemment : Super Castlevania IV ! Ce sont notamment plusieurs bosses du jeu qui se révèlent être une refonte actualisée de ceux du jeu Super Nintendo. D’abord, le redoutable paladin doré de l’introduction fait inévitablement penser au chevalier en armure d’or au bout de la bibliothèque ; puis le Golem de pierre semble une version quelque peu miniaturisée de celui du niveau 4 ; ensuite la géante Gorgone remplace la Méduse de la forêt ; enfin l’apparence du Nécromancien avant la fin du jeu est la version modernisée de la Mort ! En outre, les fameux chandeliers immenses du niveau 6 trouvent leur écho à taille humaine un peu partout dans Lords of Shadow 2. Enfin, un mémorial de la ville intitulé « interdit ecclésiastique » parle de l’évêque Froilan IV appliquant la sainte censure ; à sa lecture on songe immédiatement aux édulcorations apportées aux versions européenne et américaine de Super Castlevania IV par rapport à l’édition originale japonaise : croix absente de la tombe du Comte dans l’introduction et dans la mosaïque de l’écran des mots de passe, statue dénudée du décor recouverte dans le niveau 6, et sang qui disparaît à l’écran-titre ou recoloré en vert (sic) dans les catacombes…
- Par ailleurs, l’évocation de la mort définitive de Dracula fera vite penser au point de départ d’Aria of Sorrow sur Game Boy Advance où on apprend que celui-ci a disparu de la surface de la planète en 1999 tandis que le boss Abaddon occupe la même fonction dans Dawn of Sorrow sur DS…
- On s’amusera de l’origine de Victor Belmont qui se désigne comme le dernier représentant de la famille Belmont dans Lords of Shadow 2 et accepte son destin courageusement ; il vient en réalité de Resurrection sur Dreamcast, épisode annulé probablement au vu des ventes décevantes de la console dans lequel il échappait à son sacerdoce de chasseur de vampires au XIXème siècle…
- L’apparence finale de l’oiseau d’Agreus sera très familière pour les fans de Castlevania si on choisit de le brûler vif au lieu de le geler…
- En fait, Lords of Shadow 2 creuse davantage le background de ses prédécesseurs ; dans les fiches et parchemins du jeu il est souvent question de l’ancien royaume d’Agharta par exemple (comme dans l’histoire des sœurs Euryale, Sthéno et Méduse), Walter Bernhard apparaît dans la triste histoire du fabricant de jouets, ou encore le Léviathan est initialement présent en tant qu’antique créature aquatique dans les bas-fonds du château dans le DLC Reverie…
- Ceci dit, la lecture de la plupart des documents disséminés dans la ville fait davantage état de la prétendue victoire des humains sur Dracula il y a des siècles (alors que la vérité est toute autre étant donné que l’on a joué la bataille dans l’introduction du jeu, interrogeant fortement le joueur sur la longue ellipse temporelle entre cette même scène et le réveil de Dracula bien des siècles plus tard) tandis que les parchemins découverts dans le château rapporte les dernières paroles et de la mort peu glorieuse des mêmes chevaliers loués dans le monde moderne. Mais c’est surtout le nom du paladin en armure d’or du début du jeu qui interpelle le joueur : Roland de Ronceval ! Celui-ci est dans l’Histoire de France un chevalier franc décimé avec toute son armée et pourtant glorifié pour sa bravoure dans la fameuse Chanson de Roland… Et c’est la même chose qui arrive au paladin de Lords of Shadow 2, à la différence que les gens sont réellement persuadés qu’il a vaincu le Prince des Ténèbres !
- Et on trouvera à nouveau le célèbre code Konami dans l’un des récits de soldats !
Comme déjà évoqué brièvement dans la présentation du titre, Lords of Shadow 2 rappelle d’autres jeux vidéo :
- Outre le gameplay des combats, on pense plus précisément à God of War II (2007) sur Playstation 2 dès la scène d’ouverture où l’on découvre un Dracula désabusé sur son trône qui rappellera la même image de Kratos alors devenu Dieu de la Guerre au début du jeu de Santa Monica Studio, elle-même une allusion non dissimulée au Conan devenu roi à la fin de l’adaptation cinématographique de Conan le Barbare (1982). De plus, on comparera volontiers le niveau d’introduction avec l’automate géant de Rinaldo Gandolfi avec celui du colosse de Rhodes.
- Les décors apocalyptiques de la ville de Castlevania font écho au premier Darksiders (2010) de feu THQ, jusqu’à Abaddon qui en est même le boss final !
- Le Dark Knight de la licence Batman Arkham est également à l’honneur, rien que dans les phases de plate-forme notifiées par une concentration de chauve-souris et dans le contexte nocturne du jeu. Sans oublier que le parchemin « la fascination de Batou » rappelle le petit nom doux que le Joker donne à son ennemi juré. D’ailleurs cet emblématique personnage fou et excentrique rappelle férocement celui du fabricant de jouets sous sa forme maléfique…
- Quant à la scène du train, elle rappelle celle d’un certain Uncharted 2 bien avant celle de Portrait of Ruin !
- Enfin, comment ne pas penser à l’un des héros d’Assassin’s Creed en voyant Victor Belmont dissimulant son visage sous une capuche et échappant avec une grande agilité à ses poursuivants ?
Concernant les clins d’œil télévisuels et cinématographiques, on relève moins d’exemples par contre :
- D’abord, les derniers décors avant de quitter les laboratoires Bioquimek rappellent les couloirs des vaisseaux dans les films Alien.
- Agreus – le frère maléfique du dieu Pan – rappelle lui aussi Le Labyrinthe de Pan (2006) de Guillermo Del Toro, d’autant plus qu’il faudra échapper à sa vigilance dans un décor rappelant celui du film avant de le combattre !
- Encore un peu de Le Seigneur des anneaux ? Agreus – toujours lui – déclare à Dracula à sa rencontre :
You shall not pass !
- Ce n’est évidemment pas sans faire allusion aux très exactes paroles de Gandalf devant le Balrog ! Et en référence à la même scène du film, on retrouve écrit dans un parchemin :
Fuyez, pauvres fous !
- Un autre parchemin porte le nom d’Eddard S. qui est plus connu sous celui de Ned Stark dans la série Game of Thrones ! Le clin d’œil est d’autant plus savoureux quand on sait que l’acteur écossais Richard Madden, qui prête sa voix à l’un des personnages-clé de Lords of Shadow 2, joue le rôle de Robb Stark, l’un des fils du seigneur de Winterfell…
- Enfin, le soldat Raul Duke témoigne de son état second de façon peu compréhensible et cohérente après avoir consommé d’étranges boissons dans le château de Dracula. Il n’est pas impossible qu’il fasse allusion au personnage quasi-éponyme du film Las Vegas Parano (1998) interprété par l’acteur américain Johnny Depp, lequel est constamment sous l’emprise de la drogue et parle tout le temps avec un porte-cigarette à la bouche, réduisant fortement la bonne compréhension de ses propos…
Enfin, en termes de Christianisme et d’Histoire, les références ne manquent évidemment pas, à l’instar du premier Lords of Shadow :
- L’appellation « acolyte » vient d’un terme issu du grec ancien signifiant « suivant » ou « serviteur » ; celui-ci fait référence à une personne dont la fonction est d’assister le prêtre ou le diacre lors des célébrations liturgiques. Dans Lords of Shadow 2, ils sont en réalité des sbires sataniques (très) proches de leur créateur vouant leur culte au retour sur Terre de l’excommunié de Dieu pour un règne sans partage. En outre, si on remarque que le nom du premier acolyte Raisa Volkova – laquelle est à la tête des recherches de l’entreprise pharmaceutique Bioquimek sous son apparence humaine – n’évoque probablement rien de particulier, c’est en revanche celui de Wolfgang Gerhard – simplement inscrit dans une fiche du jeu comme étant le directeur sans scrupules ni éthique de la même société – qui est révélateur de la nature diabolique du personnage. En effet, Wolfgang Gerhard est le pseudonyme le plus connu du criminel de guerre nazi Josef Rudolf Mengele, tristement surnommé « l’ange de la mort » pour s’être livré à des expériences pseudo-scientifiques sur de nombreux prisonniers, notamment au camp de concentration d’Auschwitz ! Quant au prénom du deuxième acolyte, Nergal Meslamstea, il vient peut-être du nom du dieu mésopotamien des enfers. En sumérien, son patronyme signifie « maître de la grande ville », ce qui ne manquera pas de rappeler que le personnage du jeu vit au sommet d’une tour surplombant la ville de Castlevania ! Quant au troisième acolyte, Guido Szandor, décrit dans sa fiche comme un « faux prêtre [prêchant] le jour une version corrompue de la parole divine et, la nuit, apaise les croyants avec de diaboliques promesses de salut », il fait possiblement allusion à Anton Szandor Lavey, fondateur de l’Eglise de Satan et auteur de l’ouvrage La Bible Satanique, lequel comptera parmi ses admirateurs les plus célèbres – entre autres – le réalisateur Roman Polanski, ou encore les chanteurs Kurt Cobain et Marylin Manson…
- Les Golgoths, ces gardes lourdement armés que Dracula doit absolument éviter dans Lords of Shadow 2, font probablement référence à la colline Golgotha (située dans l’Antiquité à l’extérieur de Jérusalem) sur laquelle les Romains crucifiaient les condamnés, dont Jésus fera partie. Dracula étant l’Elu de Dieu à l’instar du Christ n’ayant pu échapper à sa Passion, on comprend mieux pourquoi la sentence est immédiate quand le Comte ne réussit à échapper à la vigilance des Golgoths. En outre, on remarquera la forte ressemblance entre leur armure rouge et celle de Vlad Tepes au début du Dracula (1992) de Coppola.
- Le boss Abaddon désigne l’ange exterminateur de l’abîme dans l’Apocalypse selon Saint Jean.
- Le Léviathan est un monstre sous-marin colossal souvent identifié comme la Bête de l’Apocalypse. Aussi, il n’y a rien de surprenant à le voir apparaître dans Lords of Shadow 2 qui a justement un contexte de fin du monde.
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Addendum : Des Revelations qui pèsent sur le ressenti final ?