Si les jeux de Konami semblaient être la chasse gardée de Nintendo sur consoles uniquement au début des années 90, le portage de hits d’arcade sur PC-Engine comme Gradius dès 1991 (jusqu’à l’exclusivité d’Akumajō Dracula X : Chi no Rondo en 1993) grignota ce monopole que Sega eût grand plaisir à exploiter à son tour ; ainsi la Megadrive accueillit dès 1992 elle aussi des titres issus de bornes à monnayeurs comme Sunset Riders puis des licences domestiques comme Teenage Mutant Hero Turtles : The Hyperstone Heist, et le mouvement s’intensifia dès l’année suivante avec Rocket Knight Adventures ou Tiny Toon Adventures : Buster’s Hidden Treasure pour atteindre son pic de sorties en 1994 avec – entre autres – Contra : Hard Cops (simplement baptisé Probotector chez nous). Souvent développés par les mêmes équipes et produits par Tomikazu Kirita, ces jeux ont tous en commun un côté arcade plus ou moins prononcé allant de pair avec la ligne éditoriale du constructeur japonais avant tout spécialisé dans les jeux de café (Sega étant l’abréviation de Service Games). Aussi les fans de Castlevania attendaient de pied ferme l’arrivée d’un épisode sur cet hardware laissé de côté pendant trop longtemps…
Konami s’empare de la 16-bits de Sega !
Mais le destin réserve parfois de drôles de tours : alors que sa sortie était initialement prévue le 10 décembre 1993 au pays du soleil levant, il faudra finalement attendre les 17, 18 et 20 mars 1994 pour pouvoir jouer respectivement à Castlevania : Bloodlines aux USA, sa version d’origine Vampire Killer au Japon, et son édition PAL Castlevania : The New Generation en Europe sur la machine 16-bits de Sega ! Ce retard s’explique par un jeu-concours organisé par Konami et le magazine japonais Megadrive Fan qui sollicita les lecteurs à imaginer des ennemis et des pièges pour le futur épisode dans sa parution de juin 1993. Seulement cet appel aux fans de la licence perturba la fin du développement car il fallut inclure les idées des gagnants au titre, bouleversant ainsi en partie le résultat final…
Le numéro couvrant le jeu… Quasiment un an après le concours !
En outre, on constate avant même de jouer qu’au Japon le jeu ne s’appelle pas Akumajō Dracula comme les autres épisodes de la franchise avant lui mais Vampire Killer (qu’on ne confondra pas avec le titre européen de l’opus MSX2) ! Et pour cause : alors qu’on pourrait penser que ce changement est avant tout dû au fouet des Belmont qui prend pour la première fois ce nom dans la licence ici (les opus précédents parlaient de Mystic Whip), on comprend en réalité que le titre original de la série (qui peut se traduire par « Le château démoniaque [de] Dracula » en français) n’aurait pas de sens ici car l’action ne se déroule non pas dans la demeure du Prince des Ténèbres comme à l’accoutumée (elle n’en est que le point de départ) mais à travers l’Europe ! Souvent présenté comme une sorte de spin-off de la série canonique, cet épisode est en fait le prolongement sinon un autre chapitre de la saga tout simplement. Ainsi, la notice de The New Generation permet de mieux comprendre cette nouvelle donne dans la série ; d’abord Konami cherche à établir un lien entre sa licence et le roman de Bram Stoker en partant de la mort littéraire de Dracula en 1897 par le texan Quincey Morris (orthographié Kincy dans le manuel européen) qui descendrait en fait de la famille Belmont !
Trois titres différents pour un même jeu !
L’histoire fictive essaie ensuite de rejoindre la réalité historique en mettant en scène une femme vampire du nom d’Elizabeth Bartley (très vraisemblablement inspirée par la Comtesse Erzsébet Báthory) qui serait derrière l’assassinat du Prince d’Autriche en 1914, évènement provoquant la Première Guerre Mondiale, rien que ça (même si la réalité historique raconte que c’est le meurtre de l’Archiduc François-Ferdinand de Habsbourg-Este qui met le feu aux poudres) ! Ramenée à la vie par la sorcière Drolta Tzuentes (orthographiée Drotia dans la notice européenne et probablement inspirée par une servante de la Comtesse Báthory du nom de Dorottya Szentes), la femme vampire décide en 1917 de ressusciter le Prince des Ténèbres lui-même (lequel est présenté comme son oncle !) pour semer le chaos dans une Europe déjà ravagée par la guerre, mais pour y parvenir elle a besoin de toutes les âmes du continent… Ou du moins de l’aide des forces des ténèbres disséminées en Europe selon l’introduction du jeu ! Heureusement, deux jeunes chasseurs de vampires vont alors tout faire pour empêcher le retour de Dracula en traversant l’Europe à la poursuite de sa nièce : John Morris (ou Johnny ou Japon), fils de Quincey / Kincy Morris et détenteur du fouet Vampire Killer, et Eric Lecarde, un Espagnol armé de la lance d’Alucard qui veut se venger de Bartley qui aurait vampirisé sa fiancée (prénommée Gwendolyn dans le manuel américain) !
L’introduction du jeu en images…
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… et en vidéo !
On peut ainsi observer que le scénario développé dans la notice (mais qui est quelque peu différent dans l’introduction du jeu comme souligné au-dessus) de cet épisode exclusif à la console 16-bits de Sega semble plus étoffé par rapport à ceux des précédents opus de la licence en changeant son contexte de jeu et l’origine de ses protagonistes, ce qui apparaît comme salutaire pour une licence qui jusqu’ici s’était contentée de concentrer son action dans le château du Prince des Ténèbres et ses alentours (tout au plus en Transylvanie dans Simon’s Quest) avec pour héros principaux les membres de la famille Belmont. Mais en affiliant l’un de ses héros (John Morris) à la lignée des puissants chasseurs de vampires (dans la notice uniquement) et à leur destinée pour éradiquer le Mal incarné en Dracula dès l’introduction du jeu, Konami offre aux joueurs non pas une relecture de sa licence gothique mais ce qui semble être le début d’une nouvelle ère, autrement annoncée dans les appellations américaine et européenne du soft que sont respectivement Bloodlines et The New Generation !
Au passage, on notera que la localisation du titre n’est pas la seule différence entre les trois éditions du jeu, la censure opérée sur la version PAL étant la principale et justement la plus visible d’entre toutes (sic) si on laisse de côté la difficulté globalement revue à la hausse et la masculinisation accentuée d’Eric Lecarde en Occident, ou encore le passage au 50Hz en Europe qui atténue la nervosité réelle du soft ; ainsi le sang a été nettement édulcoré chez nous (notamment à l’écran-titre ainsi qu’à la fontaine au niveau 5 dont l’eau devient rouge aux USA et au Japon) et la palette de couleurs globalement altérée, sans oublier que divers détails morbides voire gores ont été gommés, l’exemple le plus frappant étant la lance d’Eric Lecarde qui ne vient plus percer le corps de son possesseur quand celui-ci perd une vie ! On regrettera ainsi beaucoup cette censure dans nos éditions PAL qui dilue en grande partie cette maturité sanglante de la licence précédemment évoquée dans Rondo of Blood voire même esquissée dès Super Castlevania IV et Akumajō Dracula X68000…
La sensibilité du jeu est mise à mal en Europe !
Par ailleurs, malgré les quelques efforts scénaristiques déployés ici, résumer ce Castlevania à son background serait une bien belle erreur. En effet, au risque de me répéter, les jeux de la Megadrive sont nettement orientés arcade et The New Generation ne fait pas exception à la règle ; aussi, l’histoire de voyage à travers l’Europe ne sert que de prétexte à varier les environnements du jeu et la possibilité de choisir dès le début un personnage permet simplement de varier le gameplay à l’instar de la grande majorité des jeux d’arcade dont le mot d’ordre est l’action à sang pour sang 100% ! Ainsi, la jouabilité de John Morris rappelle celle des autres utilisateurs de fouet l’ayant précédés (en empruntant un peu la maniabilité de l’arme de Simon Belmont dans Super Castlevania IV car on peut attaquer en diagonale à gauche ou à droite vers le haut ou encore vers le bas en sautant et également s’accrocher aux plafonds pour se déplacer !), mais c’est surtout le gameplay d’Eric Lecarde qui change beaucoup les habitudes des fans de la licence.
Belmont, Morris, Lecarde : même combat ?
En effet, outre la possibilité de frapper dans quasiment toutes les directions (notamment à la verticale) sans avoir à sauter et même celle de porter un coup en demi-tour vers l’arrière, l’Espagnol est également capable de bondir trois fois plus haut grâce à sa lance qui fait davantage office de perche à propulsion pour le coup et permet au héros d’atteindre des ennemis en hauteur sans risque (il est invincible pendant ce saut, ce qui fait qu’on peut avoir tendance à abuser de ce coup spécial) comme des zones inaccessibles à son compagnon d’armes, ce que les développeurs ont choisi d’exploiter un peu en proposant de rares passages alternatifs aux niveaux 3 (dans le passage penché de la tour) et surtout 5 (Eric passe par le toit du château tandis que John doit se contenter de la cave à vin !). En fait, tous ces mouvements, la plus grande portée de sa lance ainsi que sa rapidité à attaquer font de l’Espagnol un challenger bien plus intéressant que le choix d’un avatar de Belmont comme John Morris, mais on déplore en revanche pour chacun des personnages jouables la perfectibilité occasionnelle du gameplay qu’on pensait être un écueil définitivement du passé une fois arrivé sur une machine 16-bits comme la Megadrive.
John et Eric, les rois de la cabriole ?
De plus, on notera que les armes principales redeviennent évolutives alors qu’on aurait pu penser que Rondo of Blood avait clos la question. Le Vampire Killer comme la lance d’Alucard ont ainsi trois niveaux d’amélioration chacune (mais seule l’arme de John Morris joue réellement sur la portée de ses coups, celle d’Eric évolue uniquement en puissance), la forme ultime du fouet étant électrique et celle de l’épieu étant enflammée mais une seule blessure à ce stade d’évolution les fait automatiquement descendre d’un cran de puissance alors que ce n’est pas le cas (et heureusement !) pour les étapes précédentes de leur renforcement. Les armes secondaires sont réduites à trois quant à elles : on trouve les classiques haches et eau bénite ainsi qu’un boomerang simplifiant la forme de la croix habituelle mais ayant le même effet d’aller-retour, exit donc les faibles dagues de lancer et inutiles montres arrêtant ou ralentissant le temps, The New Generation ne conserve que ce qui vraiment utile pour le joueur !
Au passage, le recours à un seul bouton sur la manette de la Megadrive pour utiliser une telle arme permet d’en déployer davantage simultanément pour une attaque plus puissante – sorte de mini item crash – en pressant haut et C au prix d’un plus grand nombre de munitions, d’ailleurs ici non pas des cœurs mais des gemmes rouges ou bleues – aussi inhabituel que cela puisse paraître. Et on constatera enfin que chaque personnage peut disposer d’une arme secondaire spéciale tant que le Vampire Killer ou la lance d’Alucard est à pleine puissance, sorte de réel item crash propre à cet épisode ; John Morris déclenche une sorte de colonne d’eau électrifiée avançant rapidement à l’horizontale et à la verticale avant de disparaître tandis qu’Eric Lecarde déchaîne de nombreuses boules d’énergie se déployant sur une grande partie de l’écran ; d’ailleurs ces coups spéciaux renforcent encore davantage le côté arcade du jeu si besoin en était encore en rappelant le genre de tirs puissants qu’on retrouve dans les shoot’em ups.
Des héros à pleine puissance !
Maintenant attardons-nous sur les six niveaux du jeu. Si leur nombre peut sembler réduit par rapport à la plupart des épisodes précédents (et notamment à Super Castlevania IV qu’on comparera souvent à The New Generation, guerre des consoles 16-bits oblige), la concentration de l’action qui y règne n’a vraiment rien à leur envier mais cette intensité s’installe progressivement malgré quelques pics ici ou là. L’enquête des héros débute ainsi dans les ruines de Castlevania en Roumanie qui n’est plus que l’ombre de sa splendeur gothique d’antan, même si on reconnaît vite plusieurs passages habituels comme le hall d’entrée par exemple. On sera davantage surpris par contre d’arriver bien vite au donjon du château, surtout que le personnage choisi s’y introduit par la gauche et non en remontant les grands escaliers par la droite comme l’écrasante majorité des épisodes précédents nous y avait habitués. Peu d’étonnement à ne pas y retrouver Dracula en revanche (dès le premier niveau ce serait fort étrange il faut bien l’avouer !), mais une armure enchantée par Drolta Tzuentes selon la notice japonaise (boss qui rappelle Sir Grakul à l’issue de la bibliothèque de Super Castlevania IV) se tient prête à en découdre, bien qu’elle ne soit pas d’un grand danger pour le joueur qui la démembre en peu de temps.
Le niveau 2 emmène les héros en Grèce, dans le sanctuaire de l’Atlantide pour être exact ! Si on peut s’attendre à un level partiellement aquatique à l’image des ruines de la cité engloutie bordant la demeure du Prince des Ténèbres dans Dracula’s Curse ou Super Castlevania IV par exemple, on sera davantage ébloui (et stressé !) par le jeu de scrollings verticaux avec de l’eau qui monte ou qui descend ponctuant la progression entre deux phases horizontales très classiques et surtout plus reposantes qui laissent le temps d’admirer le soin apporté aux effets graphiques, comme le reflet du héros et des ennemis dans le flux et le reflux de l’eau en bas de l’écran ou bien le haut d’une statue géante qu’il faudra carrément décapiter pour avancer (probablement celle de la déesse Athéna qu’on soupçonne d’avoir déjà rencontré dans le niveau 4 d’Akumajō Dracula X68000). Le héros sélectionné finira sa course dans les profondeurs de l’Atlantide en réduisant en poussière un énorme golem pour atteindre son point faible (un œil rouge dissimulé sous sa peau de pierre), boss qui présente une alternative à celui du level 4 de Super Castlevania IV.
Pas le temps d’admirer le paysage ou de se baigner !
Le voyage se poursuit au niveau 3 qui amène le joueur à escalader la tour de Pise en Italie, laquelle est célèbre pour être penchée ! Nul besoin de dire que les développeurs se sont beaucoup inspirés de cette caractéristique dans le level-design ici, démontrant pour le coup que la Megadrive n’a guère à envier au fameux mode 7 de la Super Nintendo dans ses effets spéciaux (et à la rotation de la Tour de la Mort de Super Castlevania IV en particulier dans ce stage), comme ce passage où la tour penche d’un côté comme de l’autre par exemple. Pourtant, à y regarder de plus près, l’élaboration de ce niveau semble quelque peu étrange en raison de la progression parfois horizontale (que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la construction) au lieu d’être uniquement verticale jusqu’à ce qu’on se demande parfois si y gravit vraiment une seule et même tour ! Ceci dit, on comprend la volonté de varier le déroulement de ce stage qui aurait pu devenir trop redondant autrement. Une fois arrivé au sommet de la tour, une énorme gargouille rouge essaie de pousser le héros dans le vide en tournant autour de lui mais une fois l’effet d’optique et les patterns assimilés, il s’agit d’un boss facile à vaincre en définitive, sorte de croisement entre un Gaibon de Super Castlevania IV pour sa capacité à voler et de Médusa d’Akumajō Dracula X68000 ou de Rondo of Blood pour ses coups de queue impressionnants.
C’est moi que tu regardes de travers ?!
Le niveau 4 emmène John et Eric dans une usine d’armement en Allemagne dont l’architecture intérieure rappelle en partie les engrenages de la redoutable Tour de l’horloge des épisodes précédents. Pourtant, les fils barbelés, les pistons géants et le décor industriel au début du level attestent du caractère contemporain de The New Generation mais cette impression partielle de déjà-vu perdurera jusqu’au boss, une créature formée de rouages de différentes tailles qui pour le coup détonne énormément avec la relative harmonie gothique que la licence avait offerte jusqu’ici ! On a ainsi affaire à un niveau hybride perdu entre classicisme attendu dans la licence et volonté de modernité affichée, écueil fort pardonnable quand on songe qu’à l’origine il devait s’agir d’un level dans un zeppelin allemand comme les images de la version bêta le révèlent et non dans une usine d’armement, stage peut-être grandement modifié dans la version finale pour pouvoir y introduire des idées de pièges (les scies circulaires) et d’ennemis (les scarabées volants) soumis par les lecteurs du magazine Megadrive Fan…
Pour le niveau 5, direction le château de Versailles en France ! Si la première partie des lieux oblige le joueur à traverser les jardins toxiques et la cour en passant devant la fontaine ensanglantée (mais pas dans la version PAL où l’eau reste bleue, encore une fois merci la censure !) et à découvrir un autre ennemi inventé par un fan – une sorte de mante religieuse accrochée à l’envers en haut de plusieurs arbres – la suite des festivités se passe essentiellement à l’intérieur du palais (gardé par beaucoup d’armures lanceuses de haches comme on peut s’y attendre) de façon très horizontale jusqu’à l’ascension d’une haute tour (pour John Morris uniquement) dans des escaliers en colimaçon tournant sur eux-mêmes ! Puis, c’est au bout d’un couloir où l’on rencontre des armures beaucoup plus surprenantes voire uniques (comme celle montée sur roues fonçant vers le personnage et surtout celle armée d’une mitraillette gatling juste après !) qu’on affronte un mid-boss très original imaginé par un fan qu’on peut uniquement blesser lorsqu’il disparaît avant de pouvoir enfin sortir du château et aller affronter celle qui est présentée comme le fantôme de Marie-Antoinette dans la notice (probable écho du spectre Paula Abghoul du tandem qu’elle forme avec Fred Askare à l’issue du niveau 6 de Super Castlevania IV) mais qui au bout de quelques coups se transforme en Princesse des Mites, une énorme créature volante et vénéneuse née devant les grilles du palais et dont les rejetons ont envahi les lieux !
Versailles est normalement plus accueillant que ça !
Quant au dernier niveau du jeu, c’est-à-dire le sixième, il expédie les héros au château Proserpina situé à Whitby en Angleterre. Le nom de la bâtisse ne semble pas anodin, pas plus que son emplacement d’ailleurs. En effet, Proserpina (ou Proserpine) est la déesse des saisons dans la mythologie romaine, fille de Jupiter mariée de force au frère de ce dernier, Pluton. Autrement dit, la nièce a épousé son oncle qui est le dieu des Enfers ! Le lien avec Elizabeth Bartley, nièce du Prince des Ténèbres est donc vite établi, mais l’analogie avec les changements de saisons fonctionne pour sa part si on inspecte le level-design. En effet, une fois rentré dans le château, le décor se scinde progressivement et se décale en trois parties horizontales continues alors que le héros doit traverser un long couloir en franchissant des plates-formes souvent placées au dessus du vide en se débarrassant de têtes de Méduse qui évoluent elles aussi sur les mêmes plans !
Un château vraiment déroutant !
La section suivante se déroule sens dessus-dessous et chamboule elle aussi la progression du joueur (mais de façon plus courte) tandis que celle qui vient encore après est aussi longue que linéaire mais infestée de clones du boss du niveau 1 fonçant à vive allure sur le héros que ce soit de la gauche ou de la droite. Autant dire que ces variations de level-design imposent au joueur de revoir sa façon d’aborder les obstacles comme les changements de saisons impliquent d’adapter son appréhension et sa vision des choses pour tout un chacun. Par ailleurs, le fait que Whitby soit la destination finale du voyage des héros n’est pas innocent. En effet, c’est dans cette même ville côtière que Dracula est arrivé en Angleterre dans le roman de Bram Stoker ; du coup, on pourrait presque voir le périple de John Morris et Eric Lecarde comme l’inverse de celui du Professeur Van Helsing et de ses partenaires (parmi lesquels se trouve Quincey Morris pour rappel) qui sont eux partis d’Angleterre pour traquer le Comte vampire à travers toute l’Europe jusqu’à son château en Transylvanie !
Des mid-bosses en veux-tu en voilà !
Mais pour en revenir concrètement à The New Generation, une fois les illusions d’optique des premières parties du château franchies, il va falloir se confronter à beaucoup de bosses à la suite, faisant de cette ultime partie avant le combat final une sorte de boss rush avant l’heure. C’est d’ailleurs un autre témoin de l’aspect arcade du jeu, même s’il ne faut pas attendre ce baroud d’honneur pour s’en rendre compte. En fait, le nombre de bosses à enchaîner au fur et à mesure de la progression dans The New Generation est irrégulier. Si chaque level ne recèle qu’un seul grand adversaire à vaincre à son issue, le jeu fait vraiment la part belle aux ennemis intermédiaires ou mid-bosses : un cerbère entrave le hall de Castlevania au niveau 1, puis un magicien voulant noyer le héros suivi de deux armures géantes armées respectivement d’une masse d’armes et d’une hache font barrage au sommet de l’Atlantide au niveau 2, un skele-dragon gêne l’ascension de la Tour de Pise au niveau 3, la créature de Frankenstein tente d’électriser le héros dans l’usine du niveau 4, une autre armure géante se battant elle à mains nues et un esprit caché dans un pilier sont à défaire dans le château de Versailles au niveau 5, tandis que Dracula et ses trois formes (bien que la seconde soit fortement soupçonnée d’être Drolta Tzuentes elle-même donnant au Comte le temps nécessaire d’atteindre sa forme finale) est précédé de son alliée de toujours la Mort (elle-même secondée d’une version affaiblie des bosses de fin des niveaux 2, 3 et 4) dont la façon de se battre rappelle celle de Super Castlevania IV, ainsi que d’Elizabeth Bartley d’abord en tant que Médusa puis sous sa forme vampirique ! Autant dire qu’il y a fort à faire ou plutôt à se défaire de tous ces bosses qu’ils soient successifs ou au bout d’un passage déjà éprouvant mais cet élément apporte tout le sel à The New Generation qui ne laisse au joueur que peu le temps de souffler…
Autre nouveauté dans la licence si on excepte l’absence de temps limité déjà initiée dans Rondo of Blood développé en parallèle, The New Generation se pare de trois niveaux de difficulté pour permettre à tous types de joueurs de se familiariser avec les pièges et ennemis du jeu. On notera au passage que le mode facile ne fait pas que limiter la perte d’énergie en cas de blessures mais que certains mid-bosses disparaissent également de la route des héros ! Ainsi, il faudra se battre en mode normal au minimum pour pouvoir affronter le Skele-dragon au niveau 3, la créature de Frankenstein au niveau 4, l’armure géante bleue au niveau 5, ou même la forme ultime d’Elizabeth Bartley au niveau 6… Le mode expert quant à lui réserve davantage d’ennemis (surtout volants) mais en venir à bout révèlera la fin ultime (car rallongée d’une diapositive épilogue) pour le personnage choisi initialement.
L’heure de la confrontation finale a sonné !
Par ailleurs, si on peut également modifier un peu le nombre de vie à disposition dans le menu des options (entre une et cinq), le véritable point de rupture avec les précédents épisodes concerne le système de continues qui est lui limité à deux ! Bien que cet opus ne dispose que de six niveaux, cette nouvelle donne change grandement les habitudes des fans enclins à pouvoir recommencer un même level autant de fois qu’ils le désirent jusqu’à passer tous les obstacles sans risque de devoir reprendre le jeu du début en cas d’un trop grand nombre de défaites. En d’autres termes, cette orientation résolument arcade met à mal celle de « die and retry » instaurée jusqu’ici dans la licence, même si la perte d’une vie ramène généralement le joueur jamais très loin de l’endroit où il est mort en compensation, et sans oublier que la sélection du mode de difficulté ainsi que l’habituel système de mots de passe atténuent quelque peu cette impression d’épée de Damoclès. Ceci dit, la victoire sur le jeu en mode expert exige une excellente connaissance des pièges et une grande maîtrise de la part du joueur que Konami récompense en déclarant qu’il est finalement devenu maître du Vampire Killer (le fouet… ou le jeu japonais !), preuve que le sang de chasseurs de vampires aussi puissants que les Belmont coule peut-être bien dans les veines des plus persévérants !
On voit plus souvent l’écran de gauche que celui de droite !
Avant de conclure, un mot rapide sur les musiques du jeu qui sont encore de très bonne facture malgré les faiblesses du synthétiseur de la Megadrive et quasiment toutes des compositions originales (on retrouve également des remixes de morceaux habituels) de Michiru Yamane qui offre là ses premières notes sur la licence avant de révéler pleinement son talent dans Symphony of the Night sur Playstation et Saturn quelques années plus tard. Plusieurs de ses thèmes seront d’ailleurs repris dans des épisodes ultérieurs comme Iron Blue Intention pour ne citer que le plus connu.
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Iron Blue Intention
Ainsi, The New Generation a marqué la machine qui l’a fait tourner comme un prétendant légitime à la noblesse de Super Castlevania IV sur la console concurrente, non pas en copiant ce dernier sur tous les points – loin de là pour tout dire, même s’il en recycle un certain nombre d’éléments – mais en démontrant qu’un grand Castlevania était techniquement possible sur la Megadrive, à la fois digne successeur d’une franchise dépassant désormais les dix épisodes et opus singulier qui se démarque nettement de ses prédécesseurs en revendiquant un esprit arcade qui fait honneur à son hardware. Pourtant, le jeu n’est hélas pas exempt de carences artistiques comme scénaristiques, et on peut penser que les aléas de son développement en sont probablement les principaux responsables, mais l’identité du soft tourné vers l’action avant toute autre chose permet d’oublier quelque peu ces imperfections et autres fautes de goût sinon de les pardonner pour les plus indulgents de sorte à hisser The New Generation parmi les meilleurs jeux de la licence. Pas mal pour un outsider, non ?