Initialement prévu pour une sortie conjointe avec la version française de Hardcore Gaming 101 Presents : Castlevania en décembre 2014, c’est finalement en mars 2015 que paraît Castlevania – Codex majeur chez un nouvel éditeur spécialisé en ouvrages de jeu vidéo appelé Côté Gamers. L’auteur n’est autre que Patrice Rucar (connu sous le pseudonyme Tanuki sur le site Oldiesrising), qui a auparavant co-signé avec son compère Emmanuel Babarit (dit Manuzawa) Castlevania – Sancti Biblia, véritable petite bible amateur sur la licence parue en 2012. Ce galop d’essai fera école pour Patrice Rucar qui décide se lancer officiellement dans le monde de l’édition en lançant sa propre boîte – Côté Gamers – avec la publication du Codex majeur, lequel prend la forme de la Sancti Biblia telle qu’il la voyait personnellement à l’origine !
Mais que retrouve t-on exactement dans cet imposant pavé de 403 pages ? Le Codex majeur prend en fait la forme d’un dictionnaire encyclopédique sur la première trilogie de la licence, c’est-à-dire qu’il tente de décoder les influences majeures autour de la création de Castlevania, Simon’s Quest, et Dracula’s Curse sur NES, série que l’on doit à la même équipe menée par Hitoshi Akamatsu. Mais ce n’est pas tout : l’épisode fondateur ayant eu droit à plusieurs versions alternatives développées par des personnes différentes, l’auteur fait également un retour comparatif sur les adaptations Amiga et Commodore 64, Vampire Killer sur MSX2, Haunted Castle sur borne d’arcade, ainsi qu’Akumajō Dracula sur Sharp X68000, sans oublier de mentionner les références sur les livres, les goodies et les bandes son de ces volets ! Il s’agit donc d’un ouvrage exhaustif pour qui souhaite découvrir les origines de la franchise.
De cette manière, le choix d’une forme encyclopédique (expliqué en préface) prend du sens car il permet à Patrice Rucar de décortiquer littéralement de A à Z tous les éléments constitutifs des épisodes sélectionnés, qu’il s’agisse de l’origine des ennemis (comme les harpies ou les lanceurs de flammes), de celle des armes secondaires (telle la hache ou l’eau bénite), ou encore de la littérature autour des jeux en question (notices, magazines, guides, etc.). L’auteur tente ainsi d’analyser point par point, détail après détail, le mythe Castlevania, autrement dit l’histoire cachée derrière le début de la licence. Devant une telle ambition, on n’ose imaginer le travail colossal de recherches que la rédaction d’un pareil ouvrage a dû exiger et on ne peut que saluer la volonté de Patrice Rucar d’avoir mené un tel projet jusqu’au bout !
Hélas, il faut bien avouer que le caractère encyclopédique du Codex majeur gêne sa lecture en continu ; là où la Sancti Biblia suivait un plan plutôt fluide et très accessible (quoique parfois un peu académique diraient certains), les quelques 300 entrées du dictionnaire passent fatalement d’un sujet au suivant sans d’autre forme de logique que le classement alphabétique. En d’autres termes, s’il est enfantin de s’y retrouver, on pourra déplorer de voir traité à la suite le double tir puis Dracula par exemple (certes pas de la même manière ni avec la même profondeur), ce qui ne favorisera guère de longues séances de lecture, faute de fil conducteur. Ceci dit, cet écueil est totalement inhérent à la forme choisie par l’auteur, aussi on ne saura trop conseiller de préférer une lecture consultative du Codex majeur qu’autre chose.
En outre, force est de constater que chacune des entrées ne revêt pas le même intérêt pour le lecteur. En effet, si par exemple en apprendre sur les très probables inspirations de l’aspect du château de Dracula – qu’elles soient historiques ou cinématographiques – est évidemment très judicieux, il faut bien avouer que connaître le nombre exact de marches d’escaliers dans chacun des jeux analysés n’est guère passionnant pour la plupart des lecteurs ! Ce type d’anecdotes rend ainsi la lecture très inégale au bout du compte, oscillant entre l’énumération accessoire et le détail clé… On relèvera le même problème dans les théories avancées par l’auteur, énormément de zones d’ombre subsistant encore à l’heure actuelle (et probablement à jamais) sur certains points ; autrement dit, bien que chaque hypothèse soit étayée de source(s) et/ou d’exemple(s) plus ou moins tangible(s), leur réelle pertinence pourra être remise en cause en l’absence d’une analyse plus globale du (des) jeu(x) au(x)quel(s) elle(s) fait (font) référence. Le Codex majeur fait ainsi régulièrement office d’inventaire bancal pour qui recherche en réalité une synthèse de la première trilogie et non un rapport d’autopsie, lecteur(s) qu’il vaudra mieux alors (re)diriger vers la Sancti Biblia ou le HG-101, faute de mieux.
Pourtant, le fan de Castlevania tient avec le Codex majeur un ouvrage présentant les origines de la licence de manière inédite et très (trop ?) approfondie, un dictionnaire encyclopédique dont la lecture devra être faite avec parcimonie sous peine de lasser ou de faire trop remarquer l’absence de fil conducteur ; c’est donc un livre très vivement recommandable pour quiconque veut essayer de mieux appréhender les épisodes retenus jusque dans leurs détails les plus insignifiants. En somme, le pavé encyclopédique de Patrice Rucar est à l’image du mélange hétéroclite sinon improbable d’ingrédients qui a fait naître la licence telle que nous la connaissons : pris séparément, ces éléments peuvent être d’une qualité inégale (sinon douteuse), mais mis ensemble, ils sont riches de sens pourvu qu’on puisse prendre un peu de hauteur pour s’en rendre compte !