Impressionné par son travail de customisation poussé sur une Game Boy Color aux couleurs de The Adventure et surtout d’une Super Nintendo horrifique en hommage à la demeure du Prince des Ténèbres en personne, j’ai décidé de poser quelques questions à l’artiste derrière ces vieilles consoles retapées, Vadu Amka…
Bonjour Vadu ! Pourrais-tu commencer par te présenter pour mes lecteurs s’il te plaît ? J’ai lu tellement de choses sur ton compte en préparant cette interview qu’il est temps – je pense – de tordre le cou aux fantasmes à ton sujet avant qu’on ne finisse par croire que tu es une sorte d’ermite Jedi vaudou fan de consoles en miettes !
Merci de m’avoir contactée. J’ai suivie des études lié à l’infographie. Passionnée par l’art de la récupération, la conception et le retrogaming, je customise ou plus précisément « relooke » d’anciennes consoles, je m’inspire fortement de l’art urbain (graphes et techniques à la bombe) ainsi que d’autres mouvements plus contemporain. Depuis 2012, j’ai à mon actif plusieurs réalisations de consoles et décorations sur le thème du jeu vidéo. Récemment citée dans la presse vidéoludique (Kotaku, Pix’n Love et Retro Playing Mag), mes travaux ont été mis à l’honneur sur divers sites web ; grâce à cet engouement, mes projets ont rapidement fait le tour de la toile. Je suis désormais connue dans ce milieu sous le nom de “Vadu Amka”. Si vous cherchez à comprendre ce pseudo, il s’agit simplement de la contraction de I’M K.A pour AMKA et Vadu qui provient de Vaudou/Vandale. Certains s’en doutent sûrement, mais je suis… une fille ! Je préfère cependant qu’on parle davantage de mes travaux que l’on s’attarde sur ce genre de petit détail anodin ! *rire *
Comment une artiste comme toi en est venue à vouloir travailler sur des produits de masse comme d’anciennes consoles pour en recréer une identité cette fois-ci unique ?
Je fais partie des ces gens qui n’aiment rien jeter et qui essaient de redonner vie à l’ancien. Un objet abimé ou cassé peut toujours espérer avoir une seconde vie. Je m’intéresse surtout à toutes celles qui sont délabrées avec la moitié des composants manquants et où l’on peut utiliser les altérations de la coque pour les remodeler et en faire quelque chose d’unique et hors du commun !
Au passage, les appareils qui renaissent sous tes doigts sont-ils fonctionnels au bout du compte ou bien sont-ils conçus comme des pièces de collection ?
Les consoles qui partent de chez moi sont pour la plupart à nouveau fonctionnelles, le but premier étant décoratif, mais certains ne demandent qu’une personnalisation sans réparation, la console étant destinée à un sommeil éternel dans leur vitrine.
Chacune de tes œuvres est singulière, et tu sembles aimer brouiller les pistes quant à une éventuelle signature artistique, que ce soit à travers un travail assez propre et lisse principalement basé sur de la peinture ou une forme d’artisanat plus méticuleux à partir de matières et d’objets plus rugueux ou surprenants. Peux-tu nous expliquer ta démarche artistique ?
Avant de débuter un projet, je passe énormément de temps à me documenter et à en savoir plus sur la licence. Je cherche à aborder le thème avec une approche fidèle au jeu, je m’inspire directement des décors in game et des artworks. Je repère quelques éléments intéressants et emblématiques. Et je cherche à en savoir la signification, si il y en a une dans le jeu. Puis viens l’étape des croquis et ébauches de la console où le futur propriétaire donne son feu vert. J’ai parfois besoin de trancher dans mes rendus et proposer des choses plus « light » ou lisses afin de ne pas me lasser et faire trop souvent de la texture. Quant à ma démarche, je cherche juste à raconter une histoire à travers mes réalisations et refaire vivre nos vieilles consoles, bien souvent destinées à la casse quand elles sont trop abimées…
Concrètement, parlons des consoles estampillées Castlevania que tu as fabriqué. Es-tu fan de la licence à la base pour en tirer une telle inspiration ou bien as-tu un penchant naturel pour l’horreur en général ? Comment en es-tu arrivée à ces résultats ?
J’aime à petite dose les jeux angoissants où règne une ambiance pesante. Je suis plutôt survival dans tout ce qui touche à l’horreur (JV). Personnellement, j’ai plus simple à créer de la matière avec des thèmes horrifiques et mutés ; bien que travailler le relief du bois et de la pierre soit sympathique on a vite fait le tour. J’ai découvert plus amplement la série Castlevania grâce aux recherches que j’ai du faire pour Sparadrap. (NDLR : C’est la personne qui a passé commande de la console Dracula’s Castle Edition auprès de Vadu Amka ; Sparadrap est le nom du personnage qu’il incarne dans la web-series Noob)
Est-ce que cette découverte de l’univers de Castlevania t’a donnée envie d’en savoir plus sur la licence, et notamment d’essayer l’un ou l’autre épisode à l’occasion ?
Je connaissais déjà la série de nom et d’artworks mais je n’ai jamais pris le temps d’y jouer. J’aimerais énormément essayer Symphony of the Night, le scénario du jeu m’intrigue ! Il ne me reste plus qu’à trouver un peu de temps dans mon planning pour m’y mettre.
En tant qu’artiste et joueuse, comment vois-tu l’imagerie que véhicule la licence ?
C’est relativement dur de te répondre car je ne connais pas assez bien la licence ; j’ai survolé les opus sur Super Nintendo afin d’avoir une base pour la console que j’ai réalisée. J’ai également en ma possession Simon’s Quest. Il est plus RPG-like, du coup j’ai un peu plus de chance d’avoir des affinités avec. Qu’il soit « ancien » ne me dérange pas car j’ai commencé la saga Final Fantasy par le I & II , assez archaïque mais ça n’enlève en rien la magie de ce beau RPG… J’ai une préférence pour les pixels des années 80.
On se fait un briefing dans quelques mois pour voir mon avance sur Symphony of the Night et Simon’s Quest ? *rire *
Pas de problème ! Imagines-tu travailler à nouveau sur Castlevania dans le futur, que ce soit sur des consoles ou sur d’autres supports, ou plus largement continuer sur le créneau actuellement porteur du custom de vieilles consoles et affiliés ? Ou bien justement ne crains-tu pas de t’enfermer un peu dans une niche ou un style qui ne te laisse pas t’exprimer totalement en tant qu’artiste ?
J’ai énormément de demandes pour refaire du Castlevania, peut-être une crypte, un tombeau scellé… Dans l’immédiat il n’y aura pas de redondance dans mes projets, je réserve à Dracula une belle surprise, mais il faudra être patient ! Chacune des consoles étant unique, je ne souhaite pas refaire deux fois le même opus.
J’en ai déjà le sang l’eau à la bouche ! Ton art, bien qu’unanimement salué pour sa précision et sa recherche du détail, est relativement controversé parmi les joueurs et les collectionneurs. Si tes partisans saluent ton talent et estiment que tu sublimes un ancien appareil qu’ils ont pour beaucoup connus plus jeunes, tes détracteurs y voient là davantage un sacrilège que de souiller la pureté originelle d’une machine qui ne devrait servir qu’à jouer selon eux, sans être altérée d’aucune manière que ce soit ; qu’as-tu à leur répondre ?
J’ai déjà eu l’occasion de répondre à cette question dans une interview précédente :
Certains comparent l’art du custom à un blasphème, ou à du vandalisme, car peindre sur les consoles est inadmissible et dénature une oeuvre du passé. Personnellement, je ne considère pas une console éditée à 6 millions d’exemplaires comme étant une oeuvre à laquelle il est interdit de toucher…
Je m’occupe exclusivement de consoles destinées à la casse, ce qui sous entend qu’elles sont hors d’usage ou très fortement abimées physiquement. Je privilégie vraiment un travail de récupération et lorsqu’il y a moyen de sauver une moitié de coque, je n’hésite pas à en faire don ou la remonter sur une console pour préserver au moins une petite partie. En somme, je ne personnalise une console que lorsqu’il n’y a plus aucune autre échappatoire. Je pense que le mépris et l’incompréhension de certains est dû à une mauvaise interprétation de mon travail. Il m’arrive d’être contactée par des gens qui m’informent que ma console n’est pas en bois ou en pierre et qu’il s’agit d’une imposture. Je les redirige alors vers mon blog où je fais mention des matériaux utilisés : résine, polyfilla, colle vinylique, acrylique, … Il suffit parfois d’un article mal écrit par les médias pour semer la zizanie (exemple : la GBA SP DK présentée dans les journaux comme étant en bois…). C’est dommage, car on ne prend plus vraiment la peine de s’informer sur ses sources ni sur la véracité d’un article.
Un dernier mot à ajouter aux lecteurs de Castlevania Retrogaming ?
Je m’engage à rejoindre vos rangs !… dès que j’ai un peu plus le temps *pleure *
Merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à mes questions. Je te souhaite bonne chance et bon courage dans la poursuite de tes projets artistiques, cela restera un réel plaisir pour moi d’admirer ton travail en tout cas !
Pour terminer en beauté, je vous propose d’admirer en vidéo le travail de l’artiste sur cette incroyable Super Nintendo, en exclusivité pour le site s’il vous plaît !
[youtube=http://youtu.be/mYUmXoQwYJs]
Et retrouvez toutes les photos de la Super Nintendo et de la Game Boy Color de cet article (parmi tant d’autres !) sur le Flicker de Vadu Amka !