Gabriel Belmont est le personnage principal du reboot de Castlevania sorti en 2010 sur PS3 et Xbox 360 (puis plus tard sur PC) : Lords of Shadow. Konami ayant décidé de confier la licence au studio Espagnol MercurySteam, face à la complexe (bancale ?) chronologie de Castlevania, nos voisins Ibériques ont fait le choix de faire table rase et repartir donc de zéro. Oubliez les Simon, Trevor ou encore Richter… Place à Gabriel dans cette nouvelle chronologie ! C’est en 1047, que démarrera sa grande aventure dans Lords of Shadow. Pas de Dracula à l’horizon, pas de famille de chasseurs de vampires depuis X générations toujours prête à l’affronter… Gabriel Belmont est un champion de la Confrérie de la Lumière, bébé recueilli et élevé par cette dernière suite à son abandon. Probable enfant bâtard de la noble famille Cronqvist, Gabriel n’a pas de lignée, il a choisi le patronyme de Belmont par rapport à son attrait des hauts sommets. On tient donc là le premier Belmont de cette nouvelle histoire.
Concernant le choix du prénom « Gabriel », il est expliqué dans les écrits du jeu que la Confrérie de la Lumière a choisi de donner à l’enfant abandonné le même nom que l’archange Gabriel. Selon plusieurs écrits tirés de diverses religions (Ancien Testament, Nouveau Testament, Coran…), l’archange Gabriel est présenté comme le messager de Dieu. MercurySteam a décidé d’assumer pleinement ce choix en donnant une dimension quasi divine à son personnage : au fil de l’histoire, vis à vis des prouesses qu’il est capable de réaliser et de la lourdeur de la tâche qui lui incombe dans son combat contre les forces du mal, Gabriel Belmont sera considéré comme « l’élu de Dieu ». Quel simple mortel serait capable de vaincre Satan sinon avec l’aide de Dieu ? Bien que ce ne soit pas clairement établi, il semble que Gabriel soit tué par Zobek juste avant l’apparition de Satan à la fin de Lords of Shadow. Quelques instants plus tard c’est pourtant bien lui qui se dressera face à l’ange déchu pour le défier lors d’un combat singulier. Comment ne pas songer à une intervention divine ? Que Dieu ait effectivement choisi Gabriel pour sauver le monde ?
MercurySteam avait la lourde tâche de réussir le passage de Castlevania sur les consoles de nouvelle génération. Après deux opus 3D à la réussite assez moyenne sur consoles de salon (Lament of Innocence et Curse of Darkness), il fallait présenter un projet doté d’un bon scénario et de bons personnages. Pari réussi. Gabriel est un personnage parfaitement construit à tous les niveaux : design, histoire et personnalité sont travaillés et profonds. En début d’aventure on se retrouve aux commandes d’un héros présenté comme un guerrier d’élite et profondément blessé par la mort de sa femme Marie, assassinée par les seigneurs de l’ombre. On attache également un côté sombre à sa personnalité, une forme de colère existe en lui, que seule sa femme parvenait à apaiser. Toujours est-il qu’il en reste un défenseur du bien, attaché à sa condition de champion de la lumière se battant au nom de Dieu. Gabriel mène en fait une double quête, dont chacune des deux parties est liée a un côté de sa personnalité : sa quête pour sauver l’humanité des seigneurs de l’ombre et sa quête de vengeance.
Au cours de son périple, Gabriel croisera la route de divers personnages, amis ou ennemis, qui auront une influence plus ou moins importante sur ses choix, son devenir ou sa psychologie. Pour chacun d’entre eux, la destinée de Gabriel viendra s’entrechoquer avec la leur, pointant encore le fait qu’il n’est pas une personne anodine, mais bel et bien un être élu. Concernant les plus notables, il fera la connaissance de Pan, un ancien dieu à l’apparence bestiale, qui le guidera très tôt dans sa quête puis lui permettra de rejoindre le royaume des morts ; de Claudia, une jeune fille muette et télépathe qui acceptera une tragique destinée pour permettre à Gabriel d’accomplir la sienne ; de Laura, une enfant vampirisée par le second seigneur de l’ombre, Carmilla, cachant derrière son apparence de fillette inoffensive une redoutable créature de la nuit et qui, fascinée par la détermination de Gabriel à sauver son amour perdu, épargnera ce dernier afin qu’il poursuive sa quête. A travers eux, Gabriel comprendra, non sans souffrance, que l’abandon n’est pas une option, et qu’il devra quoi qu’il advienne allez au bout de son périple.
Au fil de l’histoire on pourra apprécier de nombreuses facettes de sa personnalité : sa férocité au combat, sa détermination mais également un amour profond pour sa femme et la souffrance qu’il a en lui de l’avoir perdue. Il est également sujet à des cauchemars, dans lesquels il se voit commettre des meurtres en portant un masque mystérieux… Aussi, lorsqu’il apprendra qu’il existe un moyen de ramener Marie à la vie grâce aux pouvoirs du masque de Dieu, sa quête prendra alors une autre tournure, c’est son seul espoir de la voir de retour à ses côtés qui le motivera désormais. Tout au long de son aventure, Gabriel ne tirera aucune satisfaction personnelle de ses actes. Jamais il ne sourira, jamais il ne semblera heureux. Malgré ses doutes et sa souffrance morale, sa détermination n’aura d’égal que son courage pour traverser les épreuves qui se dressent face à lui. Mais c’est une fois arrivé à la fin de son périple, après avoir reconstitué le masque de Dieu, qu’il apprendra qu’il a été dupé : toute cette quête, toutes ces épreuves, toute cette souffrance étaient prévues… Zobek, apparu jusque là comme un allié et un guide, est en réalité le seigneur des morts, qui l’a manipulé pour récupérer le masque de Dieu. Gabriel apprend alors une effroyable vérité à son sujet : ses cauchemars sont en fait des souvenirs… et il est le meurtrier de sa propre femme ! Sous l’emprise du masque du Diable, il a commis l’irréparable… A l’issue de la bataille finale, bien que victorieux, Gabriel aura cependant perdu tout espoir de revoir Marie vivante, le masque de Dieu ne détient en effet aucun pouvoir de résurrection. Il demande pardon à l’esprit de Marie qui s’en va rejoindre les cieux, puis s’effondre en larmes. Sa souffrance morale atteint son apogée, pas de happy end, MercurySteam signe là un scénario digne d’une tragédie Shakespearienne.
Pour la première fois dans un Castlevania on incarne un Belmont en proie au doute, à la souffrance morale… La psychologie de Gabriel est très clairement le point fort de ce personnage, on est loin des super-héros sans failles des jeux précédents. On serait tenté de citer Richter, qui dans Symphony of the Night est passé dans le camp des forces du mal. Mais ce changement n’est en fait que l’œuvre d’un sortilège du sorcier Shaft, et aucunement inhérent à un côté sombre de sa personnalité. Gabriel s’impose ainsi comme le premier authentique antihéros de la licence.
Si Gabriel est un personnage aussi réussi, c’est en grande partie grâce à l’interprétation de l’acteur britannique Robert Carlyle (Trainspotting, The Full Monty, Le Monde ne suffit pas, Le 51e Etat…) qui lui prête sa voix. L’interprète parvient à prendre parfaitement la mesure du personnage, à faire passer les émotions et rendre Gabriel crédible et attachant. L’évolution des jeux a poussé le développement à travailler des scénarios dignes du cinéma, et par voie de conséquences des personnages plus détaillés. Il n’est donc pas étonnant de voir des acteurs du calibre de Robert Carlyle se prêter au jeu, et donner une telle dimension à Gabriel.
On pourrait penser que tout est dit au sujet de ce Belmont si singulier, mais MercurySteam a réservé une surprise colossale aux joueurs, en réalisant un twist monumental lors de l’épilogue de Lords of Shadow. Bien des siècles après la bataille entre Gabriel et Satan, on retrouve Zobek, vêtu d’un costume contemporain. Il rend visite à un individu caché au sommet d’une cathédrale, un individu qu’il désigne comme « Prince des ténèbres », demeuré introuvable plusieurs décennies durant. Zobek semble bien connaître ce mystérieux « Prince des ténèbres » qui, bien que tapis dans l’ombre, présente de forts traits vampiriques (yeux rouges, ongles pointus…), et l’appellera finalement par son prénom : Gabriel ! Ceci provoquera la colère de l’homme en question, interdisant à Zobek de le nommer de la sorte, et lui rappelant qu’il s’appelle désormais… Dracula !!! MercurySteam a osé l’impensable : non sans audace, ils ont incarné Dracula dans le même personnage que le premier Belmont de leur histoire. Un coup de maître qui a, sans aucun doute, laissé plus d’un joueur la bouche béante devant son écran durant de longues minutes ! Dracula, l’ennemi historique de la famille Belmont depuis les débuts de la licence, était dissimulé au plus profond du premier d’entre eux dans cette nouvelle chronologie. Gabriel Belmont peut ainsi être considéré comme l’Anakin Skywalker de Castlevania.
L’existence vampirique de Gabriel Belmont en détail ? C’est juste ici !