5 novembre 2024

[INTERVIEW] Kurt Kalata, auteur de Hardcore Gaming 101 Presents : Castlevania

Note : Ceci est la version française de l’interview. Pour la version originale, cliquez ici !

This is the French version. For the English one, just click here !

Suite à la publication de son livre dédié à Castlevania, j’ai décidé de m’entretenir avec son auteur, Kurt Kalata, dont le nom est sans doute familier de beaucoup de fans américains de la série étant donné qu’il est le créateur d’un site de référence sur la licence, The Castlevania Dungeon

Kurt Kalata (c) ledenezvertKurt Kalata et son livre !

Bonjour Kurt ! Merci d’avoir accepté cette interview ! Pourrais-tu commencer par te présenter s’il te plaît ?

Bonjour ! Je suis à l’évidence un énorme fan de jeux vidéo, particulièrement des classiques de Konami et Sega. J’ai la trentaine et habite dans le New Jersey, à une heure de route de New York City. J’ai écrit sur bien des sujets au fil des ans, mais au-delà du Castlevania Dungeon, j’ai également créé The Contra HQ (lequel n’a pas été mis à jour depuis longtemps !) et Hardcore Gaming 101, sur lequel je travaille encore aujourd’hui.

Peux-tu nous parler de l’histoire derrière la création du Dungeon ? Comment t’es-tu embarqué dans un tel site et comment l’as-tu vu grandir ?

Quand je suis entré en 4ème, mes parents ont acheté un ordinateur, ce qui m’a permis de découvrir internet. A l’époque nous avions un modem lent qui ne nous donnait l’accès qu’à Prodigy (NDT : un ancien service télématique américain, l’équivalent le plus proche en France serait le Minitel) mais nous avons fini par en changer, nous abonner à America Online, et j’ai enfin pu accéder à internet. Quant à la création du Dungeon, il y a trois choses à prendre en compte.

Pour commencer, j’ai toujours aimé les magazines de jeux vidéo. Je passais mon temps à avoir le nez dans ceux auxquels j’étais abonné, et à traîner dans les librairies pour en lire d’autres. Aussi j’ai voulu créer quelque chose comme ça. Avant d’avoir un accès à internet digne de ce nom, j’avais ce programme de design dont le nom m’échappe avec lequel j’ai créé une sorte d’encyclopédie digitale sur la série Space Quest de Sierra, laquelle classait tous les éléments récurrents, les détails et tout. Je crois bien avoir essayé d’en vendre quelques CDs pour une poignée de dollars mais je ne crois pas que quelqu’un m’en ait jamais acheté un seul ! Bref, avec l’accès à internet, j’ai découvert le concept des pages personnelles, c’était le grand truc dont tous les magazines informatiques parlaient à l’époque. Alors bien sûr, j’ai voulu en créer une sur les jeux vidéo.

The Castlevania Dungeon logoLa bannière du Dungeon !

Deuxième chose, j’ai découvert les émulateurs. Être capable d’inclure des images de bonne qualité est très important pour un médium visuel, aussi le fait que les émulateurs permettent la capture d’images a joué un grand rôle. Ceci dit, ce n’était que les débuts de l’émulation de jeux vidéo, les émulateurs NES n’étaient pas géniaux, ceux de la Megadrive faisaient pitié, et mon ordinateur ne pouvait pas faire tourner ceux pour la Super Nintendo. Pourtant, ça m’a fait ressortir mes vieilles consoles de mes placards et ravivé mon intérêt pour les jeux vidéo.

La troisième raison a aussi un lien avec l’émulation d’une certaine manière. A cette époque, j’ai également découvert les jeux MSX. Personne en Amérique n’avait entendu parler de ces titres, alors que Konami avait beaucoup soutenu ces machines ; c’était donc un peu comme découvrir une mine d’or de jeux vidéo perdus, avec tous ces opus de Contra, Gradius et Metal Gear dont je n’avais jamais entendu parler auparavant… Et quand je suis tombé sur Vampire Killer sur MSX2, je me suis fait un devoir de le partager avec autant de fans de Castlevania que possible !

Le site a commencé vers fin 1996 ou 1997, sur un compte de 2MB sur Geocities. J’ai fini par ouvrir d’autres comptes sur Geocities et Tripod (NDT : deux services d’hébergement de sites internet nord-américain dont le premier a aujourd’hui disparu) avec l’aide d’amis pour agrandir le site et héberger des fichiers musicaux. C’était avant les MP3, donc il y avait des fichiers MID et MOD faits par des fans, et d’autres trucs comme ça. Quelques temps après, nous avons reçu une offre de Gamespy, qui était en train de créer un autre site appelé Classicgaming, lequel voulait fournir de l’hébergement gratuit avec stockage illimité ! J’ai donc accepté leur offre. Le Castlevania Dungeon y est resté jusqu’à ce que Gamespy ne ferme ses serveurs, ça devait être en 2008 ou 2009 si je me rappelle bien. Le site ne bénéficiait que de mises à jour sporadiques arrivé à la fin du lycée, principalement parce j’étais bien occupé avec mes études ou avais commencé à consacrer mon temps à Hardcore Gaming 101 que j’ai lancé en 2004.

Parlons de ton livre maintenant ! Si on prend en compte qu’aujourd’hui toute information ou image sur Castlevania se trouve sur internet gratuitement (et le Dungeon y a contribué), pourquoi as-tu décidé d’écrire un ouvrage sur la licence ?

Cela remonte à mon amour des vieux magazines de jeux vidéo encore une fois, la sensation de feuilleter un livre, de regarder les captures d’écran et de lire des critiques ne peut pas être digitalisé, même en utilisant quelque chose comme une tablette. La publication à la demande est devenue plus viable grâce à une société appelé Createspace, laquelle a permis une distribution facile via Amazon, avec des coûts moins élevés qu’ailleurs. C’est pourquoi j’ai décidé de publier quelque chose de cette manière. Je voulais partir sur des jeux d’aventures que j’avais redécouverts grâce à SCUMMVM et DOSBox, ou des titres Konami. J’ai commencé avec les jeux d’aventures en travaillant sur ce projet pendant trois ans, jusqu’en 2011.

Pour mon projet suivant je voulais revenir à Konami, mais mon livre sur les jeux d’aventures se révéla être un énorme investissement, particulièrement du point de vue éditorial. Aussi, au lieu de faire un seul grand livre sur Konami, je me suis dit qu’il serait plus judicieux d’en faire plein de petits sur des sujets précis. Les petits formats rendaient l’impression couleur plus viable, ce qui rendait les livres plus attractifs visuellement parlant comparé à mon premier ouvrage présenté en MS Word avec des images en noir et blanc.

J’avais dès le début en tête de faire Castlevania, puisque cela me semblait revenir à simplement mettre sur papier toutes les vieilles critiques du Dungeon. Mais en chemin, rejouer à beaucoup d’anciens hits d’arcade de Sega sur MAME m’a obsédé ; HG101 contenait pas mal de critiques complètes de ces jeux, aussi ai-je décidé de travailler là-dessus pour commencer, et le livre est sorti fin 2012.

The Guide to Classic Graphic Adventures & Sega Arcade Classics Vol. 1Les ouvrages précédents de Kurt Kalata

Je suis retourné travailler sur Castlevania après ça. Mais quand j’ai commencé à m’organiser, je me suis rendu compte que beaucoup de critiques du Dungeon étaient plutôt pauvres. Mon style rédactionnel a bien changé depuis que j’ai écrit tout ça il y a dix ans au minimum ! Certaines critiques étaient périmées, d’autres étaient juste très mauvaises. Je devais donc corriger tout ça d’une certaine manière, mais il me fallait en réécrire la plupart entièrement du début, ce qui explique en partie pourquoi cela m’a pris plus de temps que prévu.

En outre des informations gratuitement disponibles sur le Dungeon, il y a le Castlevania Wikia. Je  déteste le Wikia, VRAIMENT ! Pas celui sur Castlevania en particulier, mais tous. Le design est un désastre, c’est bourré de pubs et il est presque impossible de faire une recherche correctement, on doit avoir quelque chose de bien précis en tête pour y trouver son bonheur. Le fait que ce soit un tel bordel rendit l’idée d’un livre plus séduisante.

Il y a du pour et du contre pour tout ce qui est site à contribution libre des internautes comme les Wikis. D’un côté beaucoup de gens peuvent ajouter des choses et exhumer des informations que personne d’autre n’aurait pu trouver. Et puisque n’importe qui peut éditer un article, si une personne doit s’en aller pour une raison ou une autre, ou n’est plus intéressé par un sujet en particulier, alors quelqu’un d’autre peut prendre la relève. Le Wikia est ainsi très intéressant sur bien des aspects.

Mais sur le plan négatif, il n’y a aucune ligne éditoriale. Les articles ne sont pas tous logés à la même enseigne, certains sont plus détaillés que d’autres, ils peuvent occasionnellement être mal écrits avec de mauvaises sources, être de vieilles conjectures de fans, ou faire l’obsession d’une minutie qui n’importe à personne d’autre que leur auteur. Cet aspect chaotique rend la chose difficile à voir comme un tout cohérent, tandis qu’un site mitonné par une équipe ou une seule personne est plus à même d’être bien présenté. De plus, les Wikis doivent être objectifs, aussi ne peut-on pas y inclure de critiques ou quelque chose du genre.

Comme en France nous avons eu droit à deux livres sur Castlevania un peu similaires au tien ces dernières années (l’un réalisé par des fans avec énormément d’images et un autre plus journalistique seulement avec du texte), et bien que la couverture signée Rusty Shackles soit vraiment originale et un véritable hommage à la série, je me demande si tu as eu des difficultés à publier ton livre avec des images sous licence Konami

En Amérique, nous avons une loi appelée « Fair Use » (NDT : expression pouvant être traduite par « usage raisonnable ») qui nous permet d’utiliser des images soumises au droit d’auteur si elles illustrent un travail original, ou une sorte d’analyse critique. C’est la raison pour laquelle il y a des vidéos sur internet comme The Angry Video Game Nerd et The Nostalgia Critic qui utilisent des contenus sous droits d’auteurs de la même façon par exemple. Comme l’objectif est de passer en revue une/des œuvre(s), nous avons légalement le droit d’utiliser des captures d’écrans, des artworks ou autres pour accompagner nos propos, et nous n’avons pas besoin de la permission de Konami pour le faire. Si le propos était seulement sur le travail artistique, ou contenait plein de trucs et astuces, ou était une sorte de « guide » comme on pouvait en trouver dans le Dungeon, avec seulement des informations sur les ennemis ou autres, on serait en terrain miné. Le livre a bien quelques passages comme cela mais ce n’est pas la ligne directrice.

Il y a certaines règles que nous devons suivre ceci dit, comme l’interdiction d’utiliser les logos officiels d’une société parce que nous n’avons pas le droit de nous présenter comme quelque chose qui pourrait être pris pour un produit officiel. C’est l’une des raisons pour laquelle la couverture et le logo ont été créés pour le livre par nos soins.

HG101 Castlevania front cover (c) ledenezvertPremière de couverture !

Au passage, les images sont toutes très petites et gâchent un peu le plaisir de la lecture, particulièrement les galeries à la fin (lesquelles sont une très bonne idée ceci dit), aussi pourquoi as-tu choisi un tel format ?

Le coût. L’impression en couleur reste très chère de nos jours ! Un livre plus grand aurait signifié de plus grandes captures d’écran, et peut-être même davantage de contenu (j’ai dû raccourcir quelques articles pour que ça rentre), mais cela aurait été a) trop cher à acheter, ou b) pas assez intéressant pour moi en terme de bénéfices.

Grâce à ta longue expérience de la franchise, tu te focalises beaucoup sur les jeux en eux-mêmes (sans oublier quelques courts paragraphes sur les inspirations, les personnages ou quelques différences de versions, entre autres choses), avec même un intérêt certain pour les clones de Castlevania, et on peut voir que tu essaies d’être juste avec chaque épisode, en justifiant ton opinion sur des éléments concrets (comme le gameplay, le level-design, etc.) mais tu n’essaies jamais d’aller au-delà de la forme, en laissant de côté le fond. En d’autres termes, ton livre semble être simplement la mise à jour de ton travail sur le Dungeon, c’est-à-dire davantage rempli d’informations que d’authentiques analyses, et d’ailleurs sans conclusion (objective ou subjective) sur la saga hélas, aussi je me demande quel est le véritable intérêt de ton ouvrage pour les fans de longue date… Penses-tu que tu aurais pu aller plus loin dans tes critiques ou ne voulais-tu pas froisser certaines catégories de fans ?

Cela a beaucoup à voir avec mon approche de la rédaction à Hardcore Gaming 101. Les lecteurs sont manifestement familiers avec le sujet qu’ils lisent, et en ont déjà une opinion habituellement. Donc si, en tant qu’auteur, mon avis est trop tranché, je vais en entendre parler et ça va râler. Aussi, j’aime avoir une approche moins directe. Une critique 100% objective n’existe pas, mais quand on en vient à un point de vue subjectif, celui-ci doit être solidement argumenté. Bien sûr, tout le monde ne sera pas d’accord avec certains arguments même s’ils sont bien amenés, et cela peut toujours énerver, mais je trouve que cette approche fonctionne un peu mieux.

Certaines opinions ne sont qu’une affaire de goûts personnels, aussi je ne mets pas trop en avant ces arguments. Par exemple, en ce qui concerne les « Metroidvanias », Symphony of the Night est mon préféré, et il y a tout un tas de raisons valables qui me confortent dans l’idée que c’est le meilleur. Au-delà de ça, mon second Metroidvania préféré est Portrait of Ruin, lequel n’est pas un choix très populaire ! C’est principalement parce que j’aime beaucoup la musique et le lien entre celui-ci et The New Generation. Mais cela a uniquement à voir avec mes préférences personnelles, j’aurais du mal à affirmer qu’il est « meilleur » que Dawn of Sorrow ou Order of Ecclesia, aussi je fais en sorte de ne pas mettre trop mon avis en avant dans une critique.

A la fois en tant qu’auteur et fan de jeux, cela m’aide à être plus ouvert d’esprit. C’est une chose de jouer et d’apprécier un jeu vidéo, mais c’est une autre que d’y jouer et d’essayer de comprendre pourquoi les autres l’apprécient, même si ce n’est pas mon cas personnel. Par exemple, quand Lords of Shadow est sorti, je l’ai détesté. Je suis arrivé à la fin du second chapitre et j’ai arrêté. Je n’y ai rejoué que quelques années plus tard quand j’ai commencé à travailler sur mon livre sur Castlevania (je n’avais écrit aucune critique sur le jeu pour le Dungeon). Je savais que cet épisode avait du succès et ses fans, donc j’ai pensé qu’il était important de comprendre pourquoi les gens l’aimaient. Partant de là, j’ai fini par, non pas aimer le jeu, mais y mettre un point d’honneur. Il y a beaucoup de choses admirables sur ce jeu, tout ce qui concerne la recherche artistique en particulier. Et j’ai joué à Mirror of Fate et Lords of Shadow 2 dans ce même état d’esprit. Je ne me soucie guère de ce style moderne qu’ont les jeux d’action, et ce ne sont pas ces titres qui m’ont fait changer d’avis. Cela se voit dans les critiques que j’écris, mais avec un peu de chance cela peut au moins expliquer quelques uns des bons aspects de cette trilogie à ceux qui ne l’aiment pas du tout.

Hardcore Gaming 101 logoLa bannière de Hardcore Gaming 101 !

Et je l’admets, j’étais un peu inquiet que les fans de Lords of Shadow ne clouent le livre au pilori si je n’écrivais rien d’autre que des choses négatives sur cette trilogie. Au final, l’ensemble est légèrement négatif à son encontre mais je pense avoir bien expliqué pourquoi je voyais les choses comme cela.

Quant à la franchise Castlevania en elle-même, il m’est difficile d’émettre véritablement un avis d’ensemble. Il y a au moins trois sous-séries distinctes, plus des épisodes singuliers qui ne se rattachent à aucune d’entre elles comme Judgment, Harmony of Despair, ou encore les opus PS2 et Nintendo 64. La seule chose que je peux dire sur tous les jeux c’est qu’ils ont pratiquement tous une musique incroyable, même les mauvais !

En parlant de fans de Castlevania – tu sembles davantage apprécier les « Classicvanias » (NDT : terme utilisé par les anglophones pour désigner les premiers épisodes de la licence orientés action/plate-forme) que les Metroidvanias – quel est ton avis sur le fossé (énorme) qui divise les différentes catégories de fans ? Comment comprends-tu qu’une évolution qui devrait enrichir la licence et ses mécanismes divise plutôt les joueurs et peut mener la franchise à sa mort au bout du compte ?

Ai-je laissé cette impression ? Ce n’était pas mon intention ! 🙂

Je pense que j’en suis arrivé à un tel résultat parce que les Classicvanias sont plus associés à mon enfance, et j’ai passé beaucoup de temps à y jouer, tout particulièrement parce qu’ils étaient si difficiles. Même en tant qu’adulte je les trouve facilement rejouables. Je n’ai pas toujours beaucoup de temps pour m’asseoir et me consacrer à un jeu vidéo, mais je peux toujours jouer à un vieux Castlevania pendant une demi-heure et m’amuser, même si je ne le termine pas. D’un autre côté, les Metroidvanias nécessitent un investissement temporel plus important, et en raison de cette nature chronophage, ils ne sont pas aussi facilement rejouables. Je rejoue à Symphony of the Night régulièrement, une fois tous les 2-3 ans environ, mais pour les autres Metroidvanias, je pense y avoir joué d’un bout à l’autre peut-être deux fois chacun : une fois à leur sortie respective, et une autre pour mettre à jour la critique du livre qui leur est due.

Personnellement, je trouve les Classicvanias et Metroidvanias difficiles à comparer : c’est comme vouloir comparer des pommes et des poires. Ils ont chacun leurs forces et leurs faiblesses. A cause de cela, il est naturel de trouver une division entre les fans. Pendant longtemps, cela avait probablement à voir avec le fait que les jeux de plate-forme classique ou arcade – le genre avec une foule de niveaux et un nombre de vies limité – n’étaient pas considérés comme pertinents sur consoles 32-bits et portables. C’est pour cela que l’accent a été mis sur les Metroidvanias, aussi les fans des Classicvanias en sont devenus jaloux.

Avec la dématérialisation, je pense que les jeux comme les Classicvanias sont à nouveau viables. Ce serait bénéfique parce que les deux publics ont le droit d’être chouchoutés. Konami a essayé de le faire avec la série des ReBirth, mais je ne crois pas qu’ils aient bien réussi leur coup. Ça a probablement à voir avec le fait qu’ils sont sortis sur Wii, une console avec une plate-forme de téléchargement minable. Je pense que s’ils réessayaient sur les PS4/Xbox One ou sur PC avec Steam, ils auraient davantage de succès, mais beaucoup d’éditeurs japonais semblent réticents à le faire.

Ayant été producteur pendant longtemps dans l’histoire de la licence, IGA a beaucoup de disciples à travers le monde mais également beaucoup de détracteurs à propos de ses choix concernant la franchise. Qu’a-t-il vraiment apporté à Castlevania selon toi ?

Avant tout, il a œuvré pour des sorties permanentes. Entre 2002 et 2010, il y a eu une moyenne d’un épisode par an, ce qui est très inhabituel pour ce qui n’était – à ce moment là – plus vraiment une franchise AAA. Le résultat de cette volonté est que plusieurs jeux semblent avoir bénéficié d’un petit budget, ce qui a affecté les sorties sur consoles de salon plus que celles sur consoles portables à mon avis.

A part cela, il a également essayé de créer un canon cohérent pour relier tous les jeux. C’était quelque chose qui, au début, était sympa à faire en tant que fan, l’idée qu’il y avait cette famille multi-générationnelle destinée à combattre Dracula. Aussi, d’un point de vue narratif large, il a essayé de faire des liens entre les épisodes. Mais en y regardant de plus près, les trames individuelles n’étaient pas si géniales que ça.

HG101 Castlevania back cover (c) ledenezvertQuatrième de couverture !

Beaucoup de fans ont également critiqué la trilogie Lords of Shadow pour de nombreuses raisons, parmi lesquelles ils ne retrouvaient pas la sensation de jouer à un Castlevania mais plutôt à une compilation d’autres jeux contemporains. Néanmoins, sa toile de fond est plutôt profonde et il y a beaucoup d’allusions aux fans de longue date dans ces jeux ; penses-tu que ces épisodes ont perdu l’esprit de leurs prédécesseurs et que seulement les Japonais peuvent donner une saveur unique à la licence – bien que les racines de la série soient Occidentales ?

La franchise Castlevania a toujours eu ses racines dans l’architecture et la mythologie européenne, donc le fait que Konami ait engagé un développeur européen a du sens. Et c’est bien là que la trilogie Lords of Shadow tire son épingle du jeu, dans son style graphique et artistique.

Les plus grands problèmes viennent du gameplay. Il y a beaucoup de mécaniques propres à Castlevania qui ont été forgés au fil des années, que ce soit la façon dont les personnages marchent ou les bruits quand ils ramassent des objets. Par exemple, il y a une différence énorme entre les approches d’un Classicvania et d’un Metroidvania, mais on ressent cette familiarité sur-le-champ. Lords of Shadow n’a quasiment rien de tout cela. Il y a bien des allusions aux anciens épisodes, mais peu de similitudes autres que les titres des jeux. Je pense que s’ils avaient utilisé le même style musical, alors les fans y auraient joué plus volontiers, mais en tant que tels, on a plus l’impression de jeux inspirés par Castlevania que de véritables Castlevania.

Parlons de Konami à présent. Penses-tu que l’éditeur japonais a fait des bons choix à propos de Castlevania ? Il a souvent été question de remakes ou de compilations finalement peu intéressantes si on essaie de voir les choses de manière plus globale, et les éditions « collectors » sont souvent des attrape-nigauds (comme celle de Lords of Shadow 2 par exemple). Penses-tu que Konami creuse lui-même la tombe de Castlevania en traitant ses fans de cette manière ?

Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’ils ont fait avec la série, mais ils ont certainement osé faire des choses, ce qui est plus que ce que je ne saurais dire quant à beaucoup d’anciennes franchises de jeux vidéo. Il est également difficile de satisfaire les fans, car comme je l’ai dit précédemment, il y a au moins trois différentes séries, donc autant de différentes catégories de fans !

J’ai beau avoir aimé les Metroidvanias sur consoles portables, ils n’étaient qu’une niche, et contenter seulement un public de niche n’est pas profitable. Certaines tentatives de diversifier la série ont été des échecs cuisants, comme Judgment, tandis que je n’ai guère aimé d’autres essais autant que je l’aurai voulu comme Harmony of Despair. Et Lords of Shadow, le premier du moins, a très bien fonctionné, mais je pense également que Konami a mal compris les raisons derrière ce succès, ce qui explique que Mirror of Fate et Lords of Shadow 2 n’ont pas aussi bien marché.

Encore une fois, j’espère qu’ils considèreront la dématérialisation comme un moyen de prendre en compte les jeux de style classique dans le futur. Peut-être n’auraient-ils pas de grands budgets, ni ne génèreraient-ils pas des millions de dollars, mais cela vaudrait la peine de s’y attarder.

Après la trilogie Lords of Shadow et les démissions successives d’IGA et de Dave Cox de Konami, comment imagines-tu l’avenir de Castlevania ? Le vois-tu maudit ou lumineux ?

Beaucoup de producteurs qui ont gardé en vie la franchise de Konami ont quitté la firme, mais cela ne veut pas dire qu’elle va en mourir. Le producteur qui a développé les jeux Silent Hill à l’origine a lui aussi quitté l’éditeur mais la licence a été reprise par d’autres studios. Les histoires de vampires sont particulièrement populaires à l’heure actuelle, même si ce public n’est pas nécessairement celui de Castlevania, donc je pense que quelqu’un reprendra la série en la réinventant, une fois que la piqûre des Lords of Shadow se sera dissipée.

Terminons par une “simple” question : quel est ton épisode préféré et pourquoi ?

Ce n’est pas si simple ! 🙂 Pour les Classicvanias, Rondo of Blood sur PC-Engine est le meilleur, juste parce qu’il est si immense et riche, avec tant de chemins alternatifs et de petits détails. Mais même comme ça, je pense que The New Generation est peut-être bien mon préféré, tout simplement parce que j’aime le concept de voyage à travers l’Europe, jouer avec Eric et sa lance m’amuse beaucoup, et j’adore le son FM de la Megadrive.

Quant au Metroidvanias, c’est Symphony of the Night. Il a les meilleurs graphismes et bande-son des Metroidvanias, le level-design supplante la plupart des autres, et le monde donne l’impression d’être richement détaillé avec beaucoup de petites touches, lesquelles ne sont pas aussi nombreuses sur les épisodes GBA/DS.

Un dernier mot pour les lecteurs de mon site ?

Il y a encore quelques détails à finaliser avec l’éditeur, mais mon livre sur Castlevania va être traduit pour une prochaine sortie en France. Aussi, si tout cela porte ses fruits, préparez-vous à pouvoir le lire en français !

Merci beaucoup pour toutes ces réponses, Kurt. Je te souhaite bonne chance dans tes projets actuels et à venir !

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