Séquence #02 : L’Apocalypse selon Saint Reinhardt et Sainte Carrie
Comme expliqué précédemment, le passage à la 3D a ouvert de nouvelles perspectives de narration et de mise en scène pour la licence, opportunités artistiques que le réalisateur Yuji Shibata et le game designer Takeo Yakushiji ont été bien décidés à exploiter sans pour autant renier les épisodes antérieurs, d’autant plus qu’il s’agit là de leur unique participation à la série Castlevania…
A) Un début déconcertant
Dans Castlevania 64, le porteur de fouet comme la petite magicienne débute l’aventure dans la forêt du silence située aux abords du château de Dracula. Les lieux semblent d’abord déserts, ce qui est parfait pour se familiariser avec les contrôles d’un personnage en vue à la troisième personne dans des environnements en 3D. Ce qui frappe également c’est la quasi absence de musique en fond sonore là où les opus précédents avaient habitué le joueur à avoir des BGM rythmant sa progression ; ce virage artistique semble aussi audacieux que celui d’une série s’essayant à la troisième dimension pour la première fois et décontenance davantage le fan que le profane, aussi nul doute que beaucoup de joueurs se sentent perdus sinon dépossédés de leur précieuse licence dès les premiers instants. Mais avant de crier au scandale, le pari de créer une atmosphère intrigante in medias res est gagné, les rares musiques servant davantage à insinuer un sentiment de malaise sinon de peur chez le joueur qu’autre chose si on met de côté les clins d’œil à divers morceaux classiques de la licence…
Et la mise en scène cinématographique joue de concert avec cette ambiance particulière ; ainsi, peu après avoir évité un arbre foudroyé tombant aux pieds de Reinhardt / Carrie (rappelant celui du tout début d’Akumajō Dracula sur X68000), le héros découvre plusieurs cadavres sur sa route avant que plusieurs squelettes ne surgissent de terre ! Le temps de s’en défaire en tâtant du fouet ou de la magie sur ces premiers ennemis comme de comprendre les divers modes de vues à disposition apporte autant un aperçu de la difficulté des combats à venir et de l’apprentissage nécessaire pour s’en sortir (associé à un sentiment d’insécurité chez le joueur) que celui des problèmes de gestion de caméra manquant cruellement de souplesse.
Puis, c’est après avoir brisé le cadenas d’un porche en bois géant que le lent grincement d’ouverture révèle la présence d’un squelette tout aussi gigantesque derrière prêt à vouloir en découdre avec le héros grâce à un os en guise de massue ! Certes, une rencontre aussi musclée (si je puis dire) aussi tôt dans le jeu ne change pas beaucoup les habitudes des amateurs ayant déjà pu se frotter à des bosses autrement plus redoutables dans d’autres volets de la licence (c’est-à-dire la Mort dans Rondo of Blood et Dracula lui-même dans Symphony of the Night) mais elle a le mérite de contribuer à l’ambiance si singulière de l’aventure en surprenant d’emblée la personne qui tient la manette, laquelle fait autant figure de joueur que de spectateur dans ce cas.
Ensuite, une fois l’adversaire mis en déroute, le jeu s’oriente vers un mélange d’action et d’exploration saupoudré de phases de plate-forme notamment au bord de falaises (lesquelles ne sont pas évidentes au début, la faute revenant autant à la gestion de la caméra qu’à l’appréciation subjective des distances de saut) ; il s’agit en effet d’actionner des interrupteurs pour ouvrir progressivement des grilles jusqu’au pont-levis de Castlevania tout en se défaisant des (trop) nombreux ennemis sur le passage du héros, des squelettes surgissant ad vitam eternam à certains endroits une fois leurs frères décimés et poursuivant presque sans relâche le joueur qui éprouve quelques difficultés à bien s’orienter dans des environnements en 3D au début, notamment en raison de l’absence de carte affichable !
En outre, la collecte d’objets accessibles et utilisables via un menu en pressant le bouton start, comme des rôtis ou des cuisses de poulet par exemple, et la sauvegarde de la partie via des cristaux blancs au sol montrent bien que le joueur va devoir lui-même gérer la progression de son héros tout comme sa survie, et à ce titre on pourra quelque peu apparenter cet opus au genre du survival-horror, même si cet aspect sera bien plus criant plus loin dans le jeu. Ainsi, chaque objet trouvé dans le décor sera unique, dispositif du système de sauvegarde qui empêche le joueur malin de pouvoir faire le plein d’items mais qui fait hélas perdre le bénéfice des améliorations d’armes à la mort du héros ou à la reprise d’une partie ! Il faut ainsi compter sur l’apparition aléatoire d’objets sur le cadavre des ennemis pour récupérer de sa force de frappe en espérant survivre assez longtemps… Loin d’être anodin, cet écueil affecte beaucoup la progression dans le jeu pour qui le découvre la première fois !
Et c’est une fois le château devant nos pieds que le squelette géant fait son retour, d’abord accompagné par de surprenants acolytes à taille humaine chevauchant des motos, puis faisant apparaître du sol d’autres sbires en renfort ! Le combat requiert une mobilité de chaque instant pour ne pas se faire toucher et constitue une mise à l’épreuve du joueur qui doit exploiter les quelques rudiments de gameplay qu’il a intégré jusqu’ici…
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B) Vers une narration vidéoludique ?
Une fois le géant définitivement vaincu et mis en morceaux, le pont-levis du château descend pour y laisser pénétrer le héros puis se relève aussitôt le visiteur entré, Castlevania n’accueille pas n’importe quel intrus ! Impossible de revenir en arrière donc, le jeu semble ainsi se découper en différents niveaux, même si cette impression n’est pas ici aussi palpable que dans la majorité des épisodes précédents orientés action/plate-forme, le cheminement du personnage choisi que ce soit à travers la narration ou tout simplement la transition entre les diverses parties du château étant plutôt logique dans l’ensemble. Reinhardt / Carrie se trouve alors dans l’enceinte de la propriété démoniaque, et va devoir soulever deux herses sécurisant les lieux grâce à des mécanismes situés au sommet de deux tours en bien piètre état. Le jeu tourne alors davantage vers de la plate-forme, le but étant de gravir les escaliers piégés et jonchés d’ennemis connus (des têtes de dragons et de méduse) en sautant sur divers repose-pieds mobiles ou fragiles.
Hélas, un dragon osseux bicéphale garde férocement le premier mécanisme en s’entremêlant à celui-ci et nul doute que beaucoup de joueurs périront rapidement en ayant pour punition de devoir reprendre l’ascension de cette première tour du début, écueil que Legacy of Darkness gommera en plaçant un cristal de sauvegarde juste avant la porte du boss. Une fois cette menace éradiquée et le premier mécanisme actionné, la descente via les étages centraux sera plus rapide mais non sans danger, puis le héros pourra pénétrer la seconde tour après avoir récupéré une clé devant la dernière herse enfin accessible. Encore plus délabrée que la première mais un peu moins malfamée, le joueur s’attendra logiquement à ce qu’un autre boss garde le sommet mais il n’en est rien et une cut-scene débute alors avec le personnage actionnant le mécanisme de la dernière herse ; puis c’est un vampire volant vêtu d’une cape – portrait craché du Comte Dracula ! – qui surplombe le héros et l’avertit d’un destin funeste si celui-ci persiste à se confronter au Prince des Ténèbres…
Reinhardt / Carrie n’a pas le temps de répondre à la provocation que l’ennemi s’en va dans un rire démoniaque. Il suffit alors de descendre une nouvelle fois les étages centraux pour emprunter le chemin ouvert et accéder à un nouveau level. Ainsi, on notera bien que Yuji Shibata et Takeo Yakushiji trompent le joueur dès ce deuxième niveau en y plaçant un boss très tôt et sans le conclure par un autre affrontement d’envergure ; le découpage séquentiel de Castlevania 64 et de Legacy of Darkness se voit donc davantage comme un enchaînement d’évènements scriptés et rythmés par des rebondissements aux accents cinématographiques gardant l’intérêt du joueur en éveil jusqu’à son dénouement qu’à la manière d’un Castlevania antérieur où le gameplay est davantage force de loi avant la narration et dans lequel chaque niveau est plus simplement ponctué par un ou plusieurs combats de bosses.
Puis, c’est à peine arrivé devant des grilles délimitant une propriété que le héros se fait attaquer par plusieurs cerbères féroces en guise de comité d’accueil, et ce sont bien les morts successives de ces chiens tricéphales qui seront le sésame donnant accès à l’avant-poste de Castlevania. Reinhardt / Carrie arrive ensuite à un petit jardin avec une fontaine centrale et plusieurs tombes de la famille Oldrey faisant face à un manoir. Une fois à l’intérieur, le héros n’a guère le temps d’admirer l’architecture que la visite est brutalement interrompue au pied des escaliers avec l’attaque d’un vampire ! A l’instar du squelette géant de la forêt du silence, le suceur de sang sera mis en déroute (il s’échappera en se transformant en chauve-souris et en jouant les passe-murailles) mais très probablement au prix d’une vampirisation du personnage au(x) premier(s) essai(s) infructueux, et la visite du manoir pourra réellement débuter.
Suivant le moment de la journée ou de la nuit, Reinhardt / Carrie pourra rencontrer la douce Rosa (qui porte judicieusement son prénom) dans la roseraie un peu plus loin, vampire inoffensive pour l’heure qui arrose de sang des roses blanches et tente de persuader le héros du danger de mort qu’il courre en s’attaquant à Dracula. A l’étage supérieur, le joueur rencontrera un autre humain dénommé Charlie Vincent dont l’accoutrement et l’entrée en scène avec un crucifix en avant ne laissent que peu de doute sur sa présence en ces lieux ; en effet, il se déclare être le plus grand de tous les chasseurs de vampires (rien que ça !) et tente lui aussi de décourager le nouveau venu au manoir en le mettant face à l’inexpérience de sa jeunesse mais c’est évidemment peine perdue…
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C) Survivre à l’horreur !
C’est à partir du couloir suivant que le jeu prend des allures de Resident Evil ; en effet, outre le fait de se trouver dans un manoir comme dans le premier volet de la série horrifique de Capcom, deux chevaliers-vitraux surgissent brusquement des fenêtres comme deux chiens véloces et féroces font de même dans une scène culte du hit de 1996, bien qu’il faille concéder que cette brutale apparition soit bien moins synonyme de peur dans le titre de Konami, la mort de ces adversaires de verre étant bien plus aisée que celle des canidés zombies. Dans une autre pièce, un autre vampire déguisé en villageois attentera à son tour à la vie du héros mais c’est surtout la rencontre avec un marchand démoniaque appelé Renon qui n’en veut apparemment qu’à votre argent à l’étage inférieur de cette demeure finalement encore bien habitée qui parachève la visite de la bâtisse. Celui-ci prétexte en effet qu’il peut être d’un grand secours au héros en pouvant lui vendre moult items de confort (comme de la nourriture par exemple) facilitant ainsi sa progression jusqu’à Dracula simplement en faisant appel à lui à l’aide d’un mystérieux contrat magique apparaissant à divers endroits du château.
L’aspect survival-horror se trouve surtout dans l’autre partie extérieure du manoir Oldrey : le jardin ! Une fois la clé des lieux en sa possession, le joueur se rend compte de son caractère labyrinthique et tombe rapidement sur un nouveau personnage secondaire, un jeune garçon aux cheveux bleus – le même qui joue du violon dans l’introduction ! – répondant au prénom de Malus, lequel affirme avoir été enlevé avec d’autres enfants du village par un homme avec une cape après que ses parents aient été tués. L’histoire tourne court quand les deux statues de chiens – désormais bien vivantes – qui gardaient l’entrée du jardin passent à travers les buissons pour attaquer ! Si ces créatures ne représentent pas une grande menace, elles reviennent inlassablement à la charge après quelques secondes pour ralentir le héros et laisser l’opportunité au sosie du monstre de Frankenstein – ici reconverti en jardinier mais armé d’une redoutable tronçonneuse greffée à la main droite ! – de venir porter un ou plusieurs très vilains coups au héros…
Reinhardt / Carrie n’a alors d’autres choix que de suivre Malus à toute allure à travers le dédale de verdure pour y trouver son chemin tout en essayant d’échapper à la mort qu’il/elle a aux trousses ; en d’autres termes, c’est bel et bien là une séquence de course-poursuite vraiment très stressante qui va marquer durablement le joueur et devenir un très grand moment du jeu à-posteriori ! Puis, une fois à l’abri malgré les aboiements incessants qui se font entendre derrière la haie, le héros ouvre une voie sûre à Malus pour qu’il quitte définitivement les lieux avant de trouver une dernière clé lui donnant accès à une zone du jardin un peu recluse : la crypte ! Une fois descendu dans l’immense caveau, il y retrouve le premier vampire rencontré dans le manoir dont il interrompt le repas (une jeune femme inanimée) pour un combat sans merci. Seulement, la partie n’est pas encore terminée une fois le suceur de sang vaincu car la victime se transforme en bourreau aux canines acérées et c’est un deuxième affrontement sensiblement différent qui attend Reinhardt / Carrie avant de voir s’ouvrir un passage secret dans le double fond du cercueil de la crypte…
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D) Des aventures parallèles mais complémentaires ?
C’est à partir d’ici que le déroulement de l’aventure commence à réellement différer selon le choix initial du personnage. Si le joueur a opté pour le porteur de fouet, celui-ci atterrira dans une mine / un tunnel regorgeant d’araignées géantes et d’eaux empoisonnées, où il devra trouver son chemin notamment via une séquence de monte-charge sur rails aériens. A l’issue de ce niveau, Reinhardt rencontre à nouveau Rosa lors d’une cut-scene où elle tente de mettre fin à ses jours en se mettant sous les rayons du soleil mais le héros l’en empêche, bien conscient que le suicide est un péché au regard de Dieu. Alors elle implore le porteur de fouet de la tuer mais celui-ci s’y refuse car Rosa devine que seuls les vampires nuisant aux hommes méritent ce châtiment pour Reinhardt. Elle finit par penser que c’est bien là une trop grande faiblesse pour quelqu’un désirant se confronter à Dracula lui-même puis disparaît…
Si le joueur est aux commandes de Carrie, le passage secret de la crypte amène la petite magicienne dans les douves du château, un niveau très orienté plate-forme (avec logiquement beaucoup d’eaux mortelles et peuplé d’hommes-poissons) dans lequel il faut trouver là aussi son chemin en marchant sur plusieurs interrupteurs qui coupent certaines vannes ou ouvrent certains passages. A son issue, Carrie fait la connaissance d’une sorcière appelée Actrise, alliée de Dracula ! Cette dernière demande à la jeune héroïne d’offrir son pouvoir de plein gré pour restaurer la pleine puissance du Prince des Ténèbres puis disparaît avant d’obtenir une quelconque réponse à sa proposition…
En outre, on notera bien que Legacy of Darkness inclut un combat de boss inédit que ce soit pour Reinhardt ou Carrie juste avant leur cut-scene respective avec Rosa ou Actrise. En effet, le héros choisi se retrouve dans une caverne où il doit se défaire soit de la Reine des araignées pour le porteur de fouet ou de Médusa pour la magicienne ! D’ailleurs, ces bosses associés à un héros en particulier (ou même deux pour l’Arachné que Henry peut également être amené à vaincre) ont chacun leur propre façon de se battre même si les effets de leurs attaques sont souvent similaires, la Reine des araignées crachant des toiles pour immobiliser Reinhardt et Médusa jetant un regard pétrificateur à la petite Carrie. A vrai dire, ces ajouts de bosses à la version définitive du soft apportent une nouvelle ponctuation à l’aventure en personnalisant davantage la quête de chacun des héros, ajoutant par là-même à leur replay value dans Legacy of Darkness pour qui les a déjà terminé dans Castlevania 64.
La zone suivante est commune à Reinhardt et Carrie ; c’est le centre du château ! C’est un niveau plutôt vaste avec diverses salles (chambre de torture, arène, bibliothèque, etc.) sur plusieurs étages aux nombreux pièges et au bestiaire relativement varié : squelettes à motos, serviteurs vampiriques, chevaliers-vitraux, armures enchantées, ou encore hommes-lézards. La plupart des combats en devient d’ailleurs relativement plus difficile, mais c’est surtout le manque d’indices sur la marche à suivre qui fait d’abord défaut au joueur, lequel devra fouiller minutieusement chaque recoin avant de commencer à comprendre ce qu’il doit accomplir pour accéder à la prochaine partie de Castlevania ; la discussion avec un homme-lézard inoffensif est d’ailleurs le premier obstacle à comprendre, tandis que la nouvelle rencontre avec Malus ne fait qu’épaissir le mystère sur sa présence en ces lieux.
En fait, il faudra plusieurs allers-retours du rez-de-chaussée au quatrième étage (!) notamment en transportant séparément des fioles de mandragore et de nitroglycérine pour provoquer des explosions dans des murs friables. Mais ce ne sera vraiment pas un parcours de santé au vu de la ténacité des ennemis (ou des énigmes à résoudre tant que le joueur n’a pas bien compris ce qu’il faut faire, comme celle du bon placement des statuettes sur la maquette du système solaire dans l’observatoire) et surtout de l’interdiction de sauter, de tomber ou de recevoir un coup avec de la nitro dans sa besace ! Il s’agira d’ailleurs là de l’un des passages les plus délicats du jeu – et des plus frustrants ! – tant le transport de la matière explosive du troisième étage jusqu’au rez-de-chaussée (surtout via la salle des rouages) requiert une bonne dose de doigté et de sang-froid, la caméra étant de surcroît plutôt capricieuse…
Une fois la tâche accomplie et l’ascenseur central réparé, c’est dans l’arène que Reinhardt / Carrie doit faire face à un Béhémoth ressuscité comme on pouvait s’y attendre à voir son corps inerte jonchant en plein milieu de la pièce au préalable ! C’est d’ailleurs à l’issue de ce combat que l’aventure s’achève pour qui a choisi le mode facile au début de la partie, privant ainsi le joueur de près de la moitié du jeu et d’une conclusion satisfaisante… Mais pour qui a opté pour une difficulté supérieure à l’origine, le niveau n’est pas fini car c’est en essayant de remonter vers l’ascenseur que Reinhardt rencontre une nouvelle fois Rosa, à la différence que celle-ci est cette fois-ci envoûtée par la Mort elle-même, personnage qui ordonne à la femme-vampire d’en finir avec le héros ! Ce dernier n’a alors d’autre choix que de se défendre et de vaincre celle qu’il refusait de tuer il y a peu. Alors à l’agonie, Rosa implore Reinhardt de l’achever mais la Mort les sépare et disparaît avec sa captive, jurant de détruire ce qu’il reste de son âme pour la préparer pleinement à leur prochaine rencontre…
Pour sa part, Carrie tombe à nouveau sur Actrise qui comprend immédiatement que la petite magicienne ne se rendra jamais à Dracula. La sorcière lui présente alors une cousine vampirisée, une guerrière Fernandez qu’il va falloir combattre ! Et, à la différence de Reinhardt qui hésite encore à tuer Rosa après leur confrontation, l’héroïne n’a d’autre choix que d’en finir définitivement avec sa parente… Actrise s’est volatilisée et Carrie fait le serment de détruire Dracula pour le repos des âmes de sa famille.
Les niveaux suivants diffèrent selon le choix du héros. Reinhardt évolue d’abord dans la tour des duels dans laquelle il se retrouve en tête à tête avec des ennemis de plus en plus forts (loup-garou, homme-léopard, homme-tigre et Minotaure dans Legacy of Darkness) dans quatre combats mortels en cages dans un temps limité (car le plafond menace de s’écraser au sol) entre des phases de plate-forme de l’une à l’autre des arènes, avec le danger de se blesser avec l’un des nombreux pièges sur sa route ou de faire une chute fatale… S’il en vient à bout, c’est dans la tour des exécutions que se poursuivent les festivités pour le porteur de fouet, un niveau vertical davantage orienté plate-forme que le précédent où les pièges mortels sont toujours plus nombreux : lave, guillotines, hachoirs géants, pics au sol, plancher mouvant sans oublier quelques chauve-souris et têtes de Méduse pour agrémenter le tout !
Quant à Carrie, elle doit d’abord traverser la tour des sciences après avoir quitté le centre du château. C’est un niveau à l’allure parfois un peu trop futuriste (notamment avec les canons automatiques détectant la présence d’intrus) pour l’époque où est censée se dérouler l’action (1852 pour rappel), dont le level-design est conçu pour de la plate-forme avant tout. Un boss tout aussi anachronique attend tout de même la magicienne à la sortie dans Legacy of Darkness uniquement, un système de sécurité avec tirs au laser et autres mitrailleuses ! Puis, c’est dans la tour de la sorcellerie que Carrie va devoir progresser, un niveau peu habité car il est uniquement constitué de glace et de vide ; autant dire que le terrain y est plutôt glissant et les chutes fatales ! Mais si ces levels changent la donne habituelle de la licence, force est de constater que leurs aspects semblent un peu trop en décalage dans un château même démoniaque comme Castlevania…
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E) Clap(s) de fin(s)
Les quêtes de Reinhardt et Carrie se rejoignent à nouveau dans la pièce des horloges au dessus de laquelle chacun va devoir se confronter à un boss respectif : la Mort elle-même pour l’héritier des Belmont et Actrise pour la magicienne ! Mais avant de se lancer dans la bataille, Rosa sacrifie sa vie pour sauver Reinhardt d’une attaque mortelle de la Faucheuse, ce qui a pour conséquence de mettre le héros en colère, alors que la sorcière explique à Carrie la cruauté dont elle a fait preuve pour obtenir ses pouvoirs, révélation qui ne fait que renforcer sa détermination à vaincre les forces du Mal. Ces cut-scenes résolument dramatiques concluent partiellement les trames narratives de chacun des protagonistes pour les emmener vers leur objectif final – c’est-à-dire la destruction de Dracula – tout en caractérisant davantage les motivations de chacun à en découdre avec le Prince des Ténèbres lui-même.
A vrai dire, le déroulement des combats conforte le joueur dans cette idée de quêtes parallèles qui se rejoignent dans un même lieu mais avec des personnages différents avant la confrontation ultime. Mieux que la Reine des araignées et Médusa plus tôt dans Legacy of Darkness qui partageaient quelques similitudes, chaque boss a ici ses propres patterns et ne ressemble absolument pas à l’autre ; la Mort vole en lançant d’abord des faucilles à Reinhardt puis utilise des sorts avec des poissons volants géants (!) pour déstabiliser son adversaire, tandis que la sorcière se protège et attaque en faisant apparaître des cristaux ; comme toujours, ces combats nécessitent une mobilité quasi permanente du héros pour éviter les projectiles et espérer en sortir vainqueur.
C’est alors que le joueur se rend compte que la pièce des horloges n’était que l’antichambre de la redoutable tour de l’horloge, niveau vertical à l’ascension très périlleuse sinon fatale pour qui rate un saut ou se fait broyer entre deux engrenages ! Essentiellement orienté plate-forme avec un soupçon d’exploration pour trouver les clés des portes séparant les différentes zones de la tour, cette première version 3D d’un level classique de la licence n’usurpe pas son effroyable renommée et constitue le dernier difficile rempart du château lui-même pour protéger les arrières de son propriétaire.
Seulement, une fois parvenu au sommet, alors que les escaliers menant au donjon s’étendent à perte de vue, Reinhardt / Carrie doit passer par deux pièces intermédiaires qui peuvent être des obstacles supplémentaires avant la confrontation finale voire décider de la fin de l’aventure. En effet, c’est dans la première salle que Renon fait ses adieux au héros mais le joueur dépensier devra s’acquitter d’une victoire dans un combat contre le démon ; le marchand explique les petites lignes du contrat de vente si le héros a acheté pour 30,000 pièces d’or ou plus dans sa boutique : l’accès répété aux services démoniaques coûte en réalité l’âme du client ! Et c’est un combat similaire à celui contre la Mort dans ses patterns qui se déclenche, redondance que l’on aurait souhaité ne pas avoir pour donner davantage de personnalité à ce duel, mais la confrontation est heureusement évitable pour les plus économes, ce qui pousse d’ailleurs le joueur à ne pas avoir (trop) recours aux services du démon et à se contenter des objets et victuailles trouvés dans le décor pour survivre tout au long de la partie, auquel cas Renon prend simplement congé du héros.
La seconde salle avant le donjon dépend de la durée de l’aventure jusqu’ici : jusqu’à quinze jours, la pièce sera vide – synonyme de bonne fin à venir – et le joueur poursuivra son ascension comme si de rien était, mais à partir du seizième jour le héros y rencontrera Charlie Vincent, chasseur de vampires qui aura été s’attaquer à Dracula avant lui mais qui aura échoué et se sera fait transformer en suceur de sang qu’il faudra combattre ! On notera une nouvelle fois que l’effet du temps de jeu sur son issue est directement repris de Simon’s Quest (comme les cycles jour/nuit) mais avec bien plus de différences sur Nintendo 64, sauf qu’on déplorera l’absence du moindre indice en cours de quête pour faire comprendre au joueur l’intérêt d’arriver à la fin le plus rapidement possible…
Finalement le donjon atteint, celui qui avait menacé Reinhardt / Carrie à la fin du niveau 2 sort de son cercueil et s’en prend au héros après de nouvelles menaces. Il n’y a guère de nouveauté sinon la possibilité de se faire vampiriser pendant la lutte, on a globalement affaire aux mêmes attaques de Dracula mais pour la première fois en 3D, le boss apparaissant et disparaissant à loisir avant de porter un coup, et son point faible étant toujours sa tête. Le duel sera d’une inégale difficulté selon le personnage choisi, Reinhardt devant anticiper les allées et venues du vampire pour s’en approcher et l’attaquer tandis que Carrie pourra se contenter de rester mobile en lançant des sorts concentrés qui iront se loger automatiquement dans le visage de l’adversaire, à l’instar du reste du jeu où la magicienne attaque à distance ses ennemis.
Une fois le vampire défait, il vocifère d’ultimes menaces avant de disparaître pour de bon. Si l’aventure a duré trop longtemps, Reinhardt / Carrie annonce avoir tenu sa promesse de vengeance pour la mort de Rosa / la guerrière Fernandez avant d’apercevoir Malus caché derrière un rideau et de quitter les lieux avec lui. Puis c’est à dos de cheval pour le porteur de fouet et à l’arrière d’un chariot pour la magicienne que la scène finale se déclenche, le premier réfléchissant sur l’accomplissement de son destin, du retour inéluctable de Dracula et de l’émergence d’un héros semblable à lui en supposant que c’est peut-être Malus qui portera ce fardeau ; quant à Carrie, le jeune garçon aux cheveux bleus la demande soudainement en mariage, proposition apparemment innocente que la magicienne finit par accepter pour faire plaisir à l’enfant qu’elle vient de sauver. Seulement les derniers plans ou paroles des scènes de fin respectives laissent imaginer le joueur que Malus cache quelque chose. En effet, les yeux du jeune garçon deviennent subitement rouges sang avec Reinhardt tandis qu’il marmonne que Carrie et lui ont un contrat les liant maintenant qu’elle a accepté de l’épouser plus tard…
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La mauvaise fin de Reinhardt[/su_column]
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La mauvaise fin de Carrie[/su_column]
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C’est en finissant l’aventure le plus vite possible que la « révélation » du titre japonais se réalise (c’est-à-dire le sens étymologique du terme « Apocalypse » pour rappel). Une fois Dracula défait, Castlevania commence à s’écrouler et Reinhardt / Carrie dévale alors les escaliers pour s’échapper mais l’apparition de Malus sur une licorne ailée amène finalement le héros à aller à sa rencontre. Et c’est là que le jeune garçon se transforme et révèle être la réincarnation de Dracula, ni plus ni moins ! En effet, le vampire combattu juste avant n’était qu’un serviteur (appelé Gilles de Rais dans Legacy of Darkness), un leurre prévu pour attirer les chasseurs de vampires tels que Reinhardt / Carrie à Castlevania de manière à pouvoir obtenir de gré ou de force leurs pouvoirs et ainsi permettre à Dracula de récupérer sa pleine puissance…
Un nouveau combat débute ensuite, au terme duquel Malus redevient l’enfant qu’il était. Mais avant que Reinhardt / Carrie ne se laisse duper par l’apparence innocente du jeune garçon, Charlie Vincent sort de nulle part et brise une fiole d’eau bénite pour prévenir le héros de la supercherie. Malus se métamorphose alors à nouveau, cette fois-ci sous les traits d’une créature géante moitié dragon moitié scorpion, en d’autres termes la forme ultime de Dracula dans ce jeu et représentation fort plausible de la Bête du livre de l’Apocalypse ! Comme dans les épisodes précédents de la licence, cette apparence démoniaque rend le Prince des Ténèbres très dangereux, aussi un garde-manger et un arsenal remplis ainsi qu’une mobilité constante sont toujours de mise ici, d’autant plus que la difficulté du combat reste inégale selon le héros choisi, Reinhardt devant se battre principalement au corps-à-corps alors que Carrie peut toujours attaquer à distance…
Une fois le Prince des Ténèbres définitivement vaincu, chaque personnage a droit à sa propre bonne scène de fin. L’héritier des Belmont est téléporté sur une colline non loin de Castlevania pour voir le château s’effondrer et a la surprise de voir apparaître une Rosa revenue de l’au-delà dans un halo de lumière divine mais désormais humaine, à l’instar du livre biblique qui parle de la résurrection des morts ; Reinhardt philosophe ensuite sur le destin de l’humanité et l’éternelle lutte entre le Bien et le Mal en nourrissant l’espoir de jours meilleurs… Quant à la jeune magicienne, elle se contente de revenir sur la tombe de sa mère et de la fleurir avant le générique de fin.
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La bonne fin de Reinhardt[/su_column]
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La bonne fin de Carrie[/su_column]
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Ainsi, les bons dénouements des quêtes de Reinhardt et Carrie sont assez conventionnels et reflètent une nouvelle fois le caractère cinématographique de ces épisodes sur Nintendo 64, sans jamais trahir l’héritage de la licence. Quoique déstabilisant au début, le passage à la 3D apporte à ce titre une vision plus contemporaine de la franchise dans laquelle la dimension narrative a une importance toute particulière en empruntant beaucoup au Septième Art dans sa mise en scène et au livre de l’Apocalypse pour sa symbolique, sans pour autant renier son essence vidéoludique en puisant beaucoup dans les mécaniques de ses prédécesseurs en 2D et en s’inspirant d’autres essais de jeux en 3D, un pari audacieux hélas terni par des défauts techniques (dus à une sortie précipitée) qui continuent aujourd’hui de salir la réputation du jeu Nintendo 64. Mais qu’en est-il exactement de Legacy of Darkness ? Cette version définitive suffit-elle à réhabiliter le jeu aux yeux de la plupart des joueurs ?
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