22 décembre 2024

[PERSONNAGE] Reinhardt Schneider

Figurant parmi les héros de Castlevania et de Castlevania : Legacy of Darkness sur Nintendo 64, Reinhardt Schneider est présenté dans le(s) jeu(x) et la/leur notice comme l’héritier du clan Belmont, porteur du fouet Vampire Killer, dont le destin le mène inexorablement à se confronter aux forces du Mal et au Prince des Ténèbres lui-même.

Reinhardt Schneider 01
Belmont or not Belmont ?

Dans un premier temps, on se focalisera sur son patronyme, fort éloigné de celui de l’illustre famille à laquelle on le lie. Il faut savoir qu’au tout début du développement du premier épisode sur Nintendo 64, le personnage s’appelait Schneider Belmont ! Mais dès novembre 1997, l’éditeur invita les lecteurs de Konami Magazine à suggérer un autre nom au protagoniste, ainsi qu’à celui de Cornell qui se nommait initialement Reinhardt Cornell… C’est après presqu’une année de sondage que l’appellation définitive sera dévoilée en octobre 1998 dans le volume 9 du même périodique, ainsi que le titre officiel du jeu, à savoir Akumajō Dracula Mokushiroku (on utilisait Akumajō Dracula 3D principalement jusqu’ici). Si le background des personnages principaux a été autant travaillé et remanié pour en enrichir la trame et renforcer son aspect cinématographique, la raison derrière un tel changement de nom reste floue alors que tous les volets antérieurs (exception faite de The New Generation sur Megadrive) mettaient en avant un authentique membre de la famille Belmont sans l’ombre d’un doute…

Konami Magazine Volume 5 (novembre 1997) p62-63
Konami Magazine Volume 5 (novembre 1997) p62-63

Faut-il y voir une volonté de renouveler le sang dans la licence à l’instar du passage à la 3D ou celle de considérer le jeu comme un gaiden (ou spin-off) de la part des développeurs ? Quelle que soit la réponse, l’appartenance au clan Belmont perdure dans le jeu pour Reinhardt Schneider (que ce soit dans les propos du héros lui-même ou dans ceux de la Mort), tout comme son sacerdoce de chasseurs de vampires qui est au cœur de la psychologie du personnage…

C64 Reinhardt intro
Un héros pieux !

En effet, la notion de Destin à combattre les forces du Mal incarnée par Dracula est commune à tous les héros de Castlevania, et c’est l’image du chevalier blanc certes entraîné mais finalement peu expérimenté qui est mise à l’épreuve à travers le personnage de Reinhardt Schneider sur Nintendo 64. Le signe de croix que ce dernier effectue avant de partir au combat dans la cut-scene d’introduction est fort révélatrice des valeurs du héros : non seulement sa foi chrétienne le lie au salut de l’Homme par ses actes de Bien mais également à des préceptes de vie fortement ancrés, hérités de son père comme il le déclare à Rosa lors de leur rencontre, son seul objectif étant de détruire Dracula, l’incarnation du Mal (ou du Diable dans le Christianisme, soit l’antithèse de Dieu). Et c’est justement à travers ce personnage secondaire féminin atypique dans la licence en raison de sa nature vampirisée que Reinhardt Schneider va essentiellement démontrer sa valeur et sa détermination à accomplir sa mission sacrée en lui donnant du relief, et non donner l’image d’un héros sans faille mais un peu trop lisse…

Reinhardt Schneider 02
Un héros noble !

Au passage, on constatera que son apparence d’aventurier dans la première version de sa quête peut laisser penser qu’il agit pour son propre compte mais selon son propre code d’honneur, tel un ronin, alors que l’armure qu’il arbore dans Legacy of Darkness (et qu’il a en commun avec Henry Oldrey) suggère qu’il se bat pour l’Eglise (orthodoxe), alors qu’hormis Trevor qui est mandaté par le mystérieux roi Poltergeist dans Dracula’s Curse, tous les Belmont ultérieurs agiront avant tout selon l’héritage familial. Ce changement de chara-design n’est pas anodin (à l’instar de l’évolution du personnage dans les artworks) et démontre à quel point le personnage et ses pairs ont fait l’objet d’un travail en profondeur, mais pas uniquement sur la forme.

Reinhardt Schneider & Rosa
Un couple maudit ?

En effet, le fond a été d’autant plus soigné dans l’élaboration du héros comme la technologie permit d’ouvrir la licence à la troisième dimension. La mise à l’épreuve psychologique de Reinhardt débutera véritablement quand Rosa l’avertira des sacrifices qu’il devra faire et de la force de caractère qu’il doit posséder pour espérer survivre dans les environs et vaincre Dracula. La rencontre avec Charlie Vincent, le plus grand de tous les chasseurs de vampires auto-proclamé, prêtera davantage à sourire mais soutient également la vertu du héros à ne pas renoncer à son rôle. Quant à Malus, il a d’abord pour enjeu narratif d’appuyer le côté protecteur de Reinhardt en rassurant l’enfant et en lui donnant du courage à quitter seul la forêt une fois tout danger écarté. Les valeurs chrétiennes du héros ressurgissent plus tard dans le scénario, au moment où l’héritier des Belmont empêche Rosa de se suicider en s’exposant à la lumière du jour, puis en refusant de la tuer alors que la femme vampirisée l’exhorte de le faire pour le salut de son âme. La mise à l’épreuve de Reinhardt sera encore amenée à un autre niveau quand il n’aura d’autre choix que de combattre celle qui est la marionnette de la Mort dans le centre du château mais en épargnant sa vie à l’issue du combat, pourtant peu certain de ne pas lui avoir porté un coup fatal…

Reinhardt Schneider & Death
La Mort n’a qu’à bien se tenir !

La Faucheuse suspendra l’échange entre les deux tourtereaux en disparaissant avec la blessée et ce sera quelques niveaux plus loin, au sommet de la pièce des horloges, que les trois mêmes personnages se retrouveront ; alors que Reinhardt est paralysé et que la Mort s’apprête à lui asséner le coup de grâce, Rosa s’interpose et reçoit l’attaque fatale, désormais persuadée de la valeur du chasseur de vampires. Le héros prie ensuite pour le salut de son âme avant de s’engager dans un combat de représailles contre la main droite du Prince des Ténèbres, prétextant non pas une vengeance personnelle mais la rage de vaincre de toute l’humanité ! A ce moment de sa quête, sa détermination à accomplir son Destin et à détruire Dracula est à son paroxysme et ce ne sont pas la traversée de la redoutable tour de l’horloge ni les éventuels combats contre Renon et/ou Charlie Vincent vampirisé qui l’empêcheront d’atteindre son but… Seul son ultime adversaire aura l’occasion de le tromper en dissimulant sa réelle identité mais sans pour autant faire fléchir la volonté de Reinhardt.

Reinhardt Schneider & Rosa 02
Destinés, on était tous les deux destinés !

Une fois Dracula ou son sosie détruit, les deux dénouements de l’aventure avec ce personnage apportent chacun un dernier aperçu sur sa psychologie ; dans la mauvaise fin, Reinhardt renouvelle sa détermination à se dresser à nouveau contre le Prince des Ténèbres s’il est encore en vie pour le faire, bien conscient que le retour de Dracula parmi les Hommes est inévitable mais sachant également que d’autres héritiers du sang des Belmont reprendront le flambeau et saisiront le fouet Vampire Killer, autant symbole de sa lignée de chasseurs de vampires que de la lutte éternelle entre le Bien et le Mal. Quant à la bonne fin, elle permet la résurrection divine de Rosa, désormais bien humaine. Ensemble, les sous-entendus tourtereaux contemplent l’effondrement de Castlevania et l’aube d’un jour nouveau en philosophant sur le sort de l’humanité, soumis à la tentation et au retour inéluctable de Dracula. Enfin, la croyance chrétienne du héros est remise en avant quand il affirme que la foi en l’autre et l’amour donnent l’espoir de combattre le Mal et l’adversité…

En somme, ce sont ses valeurs religieuses qui sont sa boussole et permettent à Reinhardt de se transcender pour accomplir son Destin en résistant à la tentation. Grâce à elles, il acquiert le statut de sauveur de l’humanité en détruisant le Mal (mais sans pour autant lui donner une dimension Christique, laquelle s’accorde davantage à Gabriel Belmont dans la trilogie Lords of Shadow au regard de ses sacrifices), sa quête l’ayant fait grandir et se révéler autant à l’humanité (incarnée ici par Rosa) qu’à lui-même. Reinhardt Schneider est en définitive loin du héros lisse qu’on pourrait imaginer de prime abord et a ouvert la licence à un autre niveau de caractérisation dans l’héroïsme par sa profondeur (le torturé Alucard excepté évidemment). Même si son appartenance à la famille Belmont est encore débattue en raison de son patronyme, il est évident qu’il y a toute sa place de par sa noblesse d’âme et sa vertu, protecteur de l’humanité et pourfendeur du Mal !

Reinhardt Schneider 03
Le salut vient-il du Ciel ?

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