Séquence #03 : L’héritage de la version director’s cut
Comme déjà évoqué précédemment, c’est huit années avant les quêtes de Reinhardt et Carrie (soit en 1844) que le loup-garou (ou homme-bête) Cornell embarque vers Castlevania, non pas pour détruire Dracula mais pour sauver sa sœur adoptive Ada enlevée par les hordes du Prince des Ténèbres. Il s’agit donc d’une préquelle de l’aventure principale racontée dans Castlevania 64 mais non incluse dans la cartouche, faute de temps de développement alloué. Et c’est Legacy of Darkness qui met ce nouveau héros à l’honneur quelques mois après la sortie du précédent épisode sur Nintendo 64, en incluant les quêtes remaniées de Reinhardt et Carrie en bonus, une fois celles de Cornell et d’un dernier personnage jouable appelé Henry Oldrey achevées. Il faut bien avouer que ces quelques mois de développement supplémentaires rendent non seulement le jeu plus complet mais surtout l’aventure bien plus savoureuse, notamment grâce à la correction des défauts de caméra et de lock des ennemis, bien qu’encore imparfaite. On notera également la possibilité de se servir de l’Expansion Pak (NDLR : accessoire de la Nintendo 64 permettant d’utiliser 4 Mo de mémoire supplémentaire pour la console) pour obtenir des graphismes plus fins et un rendu général moins flou mais avec de fréquentes chutes de frame rate hélas en contrepartie.
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A) L’appel du loup solitaire
La quête de Cornell s’ouvre dans le calme de la nuit sur la barque du passeur l’amenant sur un navire non loin du château démoniaque. A l’instar du début de la forêt du silence dans Castlevania 64, ce premier niveau est assez court et fait surtout office de tutoriel permettant au joueur de se familiariser avec les commandes, les ennemis (des hommes-poissons principalement) y étant peu nombreux et les phases de plate-forme s’y taillant la part du loup lion. Le joueur peut ainsi vite apprécier l’agilité et la robustesse de celui qu’on appelle également « Croissant de lune bleu » sans oublier sa force de frappe qui en font une alternative très séduisante aux héros bien plus classiques pour la licence que sont Reinhardt Schneider et Carrie Fernandez. En sus, Cornell a le pouvoir de prendre son apparence bestiale via une simple pression du bouton L, transformation le rendant encore plus fort mais qui lui coûte la totalité de son stock de cristaux rouges ; pourtant, si l’option est tentante, il faut avouer que le héros est déjà un combattant de choix sous sa forme humaine, même sans avoir recours aux armes secondaires…
Malgré le calme relatif de ce stage d’ouverture, un premier sentiment d’urgence est déclenché par l’attaque brutale du navire par un monstre aquatique apparemment géant : le bateau coule et il faut vite s’échapper, même si en réalité le temps n’est pas limité, seule la musique suggérant au joueur de quitter les lieux dès que possible. Après le naufrage, le loup-garou se retrouve sur les débris du navire qu’il n’a qu’à enjamber pour se retrouver sur un pont de pierre le menant à la terre ferme. Mais avant cela, Cornell devra se défaire de la créature qui a détruit le bateau, un serpent de mer géant (rappelant indubitablement celui qui garde l’accès au niveau 2’ dans Rondo of Blood) qui fait irruption de manière fracassante après une courte accalmie ! On notera au passage que ce combat s’opère dans un mélange 2D/3D plutôt pertinent si on se réfère à cette même transition dans la licence, l’affrontement se déroulant principalement en vue de côté avec quelques passages plus aériens renforçant le caractère cinématographique du soft.
Une fois la bête terrassée, Cornell termine sa traversée du pont de pierre en se défaisant de quelques bossus sauteurs au passage pour escalader la falaise jouxtant la forêt du silence. Cependant, alors que les lieux semblent à-priori familiers, le joueur se rend vite compte que le niveau n’est plus le même que celui qu’il a arpenté dans Castlevania 64 ! C’est en effet une toute autre exploration qu’il va falloir expérimenter, certes toujours ponctuée d’un combat en deux temps contre le squelette géant mais pourtant sensiblement différent dans les patterns du boss. La reconnaissance du niveau suivant (l’enceinte du château) lui aussi remodelé confirmera ce que le joueur pressent de plus en plus : bien que Legacy of Darkness soit un spin-off, une sorte de chapitre annexe de Castlevania 64 comme l’indique le mot « Gaiden » dans le titre japonais du jeu, c’est une aventure différente à bien des égards pour le joueur qui a déjà accompli les quêtes de Reinhardt et de Carrie !
Cornell y fera vite la rencontre de son rival de longue date, un homme-bête dénommé Ortega qui déclare qu’Ada, la sœur adoptive du héros, doit être sacrifiée pour que Dracula récupère tous ses pouvoirs, avant de disparaître… A l’instar de Rosa / la Mort pour Reinhardt et d’Actrise pour Carrie, ce nouveau personnage qui a des comptes à régler avec le loup-garou apparaît de prime abord comme son antagoniste principal et se révèlera bien être le nœud de l’intrigue personnelle du héros de cette quête avant d’atteindre Dracula ; seulement les évènements de Legacy of Darkness se déroulant huit années avant ceux de Castlevania 64, sa trame n’est pas la même malgré plusieurs similarités comme nous allons le voir et c’est bien encore là que le loup-garou apporte sa griffe décidément très singulière à une aventure qu’on pensait connaître.
Aussi, l’exploration de la villa s’opère elle aussi bien différemment que pour Reinhardt et Carrie alors que le level-design n’a pas été modifié quant à lui : une fois vaincu le vampire dans le hall d’entrée, Cornell doit faire un premier détour par une partie du jardin labyrinthique et y récupérer une clé ouvrant la roseraie (laquelle est cette fois-ci fleurie de roses bien blanches car non arrosées de sang par Rosa qui n’apparait nulle part ici). Puis, à l’étage, au lieu de rencontrer Charlie Vincent, c’est au seigneur Oldrey, propriétaire du manoir, que le héros a affaire ; mais celui-ci a été vampirisé et s’attaque à Cornell pour étancher sa soif de sang que son épouse recluse dans la chambre d’à côté refuse de satisfaire. Une fois débarrassé de ce trop entreprenant énergumène, Mary Oldrey raconte au héros l’infortune de son mari vampirisé par un homme appelé Gilles de Rais et une femme dénommée Actrise. Résignée à rester vivre dans ce manoir malgré le sort funeste qui l’attend tôt ou tard, elle charge toutefois Cornell d’aider son fils Henry à s’enfuir d’ici, un petit garçon se cachant dans le jardin. En chemin, le démon Renon est quant à lui inlassablement posté au même endroit de la villa pour proposer ses services.
Là encore, le joueur s’attend à revivre la même course-poursuite avec Malus et le jardinier armé d’une tronçonneuse que dans Castlevania 64, mais une fois de plus Yuji Shibata et Takeo Yakushiji réussissent à berner les plus naïfs ; en effet, Cornell va devoir protéger Henry des assauts répétés du jardinier démoniaque (cette fois non accompagné de ses fidèles chiens), et va devoir attendre que le garçon le suive ! Autant dire que le stress de la situation est toujours présent (car si la barre de vie d’Henry tombe à zéro c’est le game over assuré) mais la langueur de la séquence détonne avec le sentiment d’urgence chez Reinhardt et Carrie. Une fois à l’abri, Cornell confie le pendentif magique d’Ada à Henry et peut aller rassurer sa mère qui lui offre la clé de cuivre en récompense. Mais le niveau n’en est pas quasiment terminé pour autant car il contient davantage d’énigmes à résoudre que dans Castlevania 64, lui donnant un cachet Resident Evil aussi différent qu’appréciable, et nul doute qu’il faudra plus de temps que prévu au joueur expérimenté pour parvenir à la crypte qui nécessite cette fois-ci deux morceaux d’emblème pour y entrer. En bas, le loup-garou est surpris par Gilles de Rais qui l’attaque pour jauger son pouvoir avant de disparaître avec Actrise.
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B) Un level-design peut en cacher un autre !
Puis, au lieu d’atterrir dans le tunnel ou les douves après le passage secret au fond du cercueil de la crypte, c’est de façon très surprenante que Cornell arrive sur les murs extérieurs ! Si on finit par accepter la présence d’un tel niveau à ce moment là de l’aventure malgré une transition manquant de logique car on a enfin accès à un château résolument démoniaque, on se délecte surtout du level-design en 3D d’une partie de Castlevania souvent arpentée en 2D. Le joueur a affaire à un stage totalement inédit orienté plate-forme sans ennemi à l’horizon mais avec de nombreux pièges et de chutes fatales, au terme duquel un combat contre une harpie qui se trouve pour la première fois de la licence en guise de boss ne fait hélas pas obstacle bien longtemps.
Le loup-garou passe ensuite par une aile du château jamais explorée auparavant dans la licence (mais qui peut évoquer le niveau 6 de Super Castlevania IV à plusieurs égards dont le passage avec les chandeliers géants) : la tour de l’Art ! C’est là que le joueur se servira énormément des cartes de soleil et de lune pour progresser dans un premier temps, l’ouverture de nombreuses portes étant liée soit au jour ou à la nuit (on notera que la fin de l’aventure n’est heureusement pas assujettie à sa durée contrairement aux quêtes des autres héros, celle de Cornell n’ayant qu’une unique issue). C’est encore un niveau reposant beaucoup sur de la plate-forme (mais davantage peuplé d’ennemis) avec notamment un passage d’équilibriste sur une corde en hauteur avec deux énormes lustres mouvants à éviter !
Puis, c’est dans la tour des ruines que le héros devra trouver son chemin à partir de cartes gravées sur stèles dans certaines salles en prenant garde à ne pas tomber à l’étage inférieur dans d’autres où le sol est fragile. La première partie du niveau se révèle d’autant plus labyrinthique que les pièces aux accents de pyramide égyptienne (impression notamment offerte par l’omniprésence de sable) se ressemblent beaucoup et qu’il faut garder en tête le chemin à parcourir pour actionner divers interrupteurs remontant des grilles entravant la progression. Quant à la seconde partie de la tour, elle offre d’abord une séance de plate-forme avec des planchers mouvants et/ou fragiles aux quatre coins d’une grande salle avec switches à presser, puis une énigme en escalade aux erreurs fatales liée aux signes du zodiaque.
A ce stade du jeu, on peut penser qu’à l’instar de Reinhardt et Carrie qui bénéficiaient de niveaux exclusifs dans Castlevania 64 les murs extérieurs, la tour de l’Art et la tour des ruines constituent ceux de Cornell mais la visite de Castlevania est décidément pleine de surprises pour le joueur car le loup-garou doit également parcourir la tour des sciences (avec un système de sécurité en guise de boss à son issue), la tour des duels (avec un combat contre un homme-bête dopé aux hormones maléfiques supervisé par Ortega), la tour des exécutions, la tour de la sorcellerie, ainsi que l’inévitable tour de l’horloge entièrement remodelées pour l’occasion ! Ces nouveaux level-designs offrent eux aussi des alternatives réellement intéressantes aux joueurs connaissant leurs versions précédentes, changements auxquels Reinhardt et Carrie auront aussi droit dans leurs quêtes déblocables une fois celles de Cornell et de Henry achevées, redondance ici quelque peu regrettable dû à un manque de place sur la cartouche là où on aurait pu souhaiter retrouver les niveaux d’origine optimisés (avec correction des problèmes de caméra et ajouts de bosses principalement) de sorte à avoir des aventures réellement très distinctes pour chaque personnage dans Legacy of Darkness !
Ceci dit, jouer à Castlevania 64 n’aurait plus aucun intérêt dans ce cas, reléguant le jeu à un vulgaire brouillon de l’édition director’s cut ; mais étant donné que les level-designs d’origine ne manquent vraiment pas de sel, il vaut ainsi mieux y voir ici une relecture de quêtes qu’on croyait connaître plutôt que de leurs versions définitives, ce qui offre au joueur expérimenté une bien bonne raison de se replonger dans les aventures respectives de Reinhardt et Carrie au bout du compte. Mentions spéciales à la tour des exécutions qui offre de très nombreuses acrobaties en évitant lave et autres pièges très dangereux sinon fatals, et surtout à la tour de l’horloge accordant un passage assez mémorable bien que simple en définitive sur les aiguilles avant d’atteindre le donjon !
Mais pour en revenir à Cornell, c’est au dessus de la pièce des horloges qu’il affrontera Ortega qui a volontairement succombé au pouvoir maléfique de Dracula pour enfin avoir une chance de réussir à vaincre son rival de toujours ! L’homme-bête se transforme alors en chimère tricéphale formée d’organes de dragon, d’oiseau et de lion mais le loup-garou n’a guère maille à sortir vainqueur du combat malgré la force décuplée de son antagoniste démoniaque. Ayant une nouvelle fois perdu face à son adversaire de toujours, Ortega préfère se jeter dans le vide avant d’être totalement consumé par le pouvoir maléfique qu’il ne contrôle désormais plus. Plus loin dans la tour de l’horloge, Cornell retrouve Ada mais la Mort sépare bien vite la petite famille et enlève la jeune fille pour la préparer au sacrifice qui permettrait à Dracula de retrouver tout ses pouvoirs.
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C) Un final prophétique
C’est donc un loup-garou déterminé à aller jusqu’au bout pour sauver sa petite sœur adoptive en affrontant le Prince des Ténèbres lui-même qui se dirige vers le donjon. Renon prend congé en suivant les conditions habituelles peu avant la salle du trône tandis que c’est le véritable Dracula qui détient la jeune Ada dans un cristal géant rappelant furieusement la princesse Zelda emprisonnée de manière similaire par Ganondorf dans The Legend of Zelda : Ocarina of Time sur la même console ! La première partie du combat est sensiblement différente de celle dans la même salle dans Castlevania 64, le vampire utilisant des attaques foudroyantes (rappelant un peu celles de Super Castlevania IV) à la place de celles de feu. Par contre, c’est la forme ultime qu’atteint le Prince des Ténèbres en absorbant le cristal où est retenue Ada – métamorphose démoniaque qui n’a rien à voir avec la créature mi dragon mi scorpion que doivent affronter Reinhardt et Carrie – qui change énormément le déroulement du combat final pour lequel il est vivement conseillé d’avoir le plein de victuailles en stock pour espérer en sortir vainqueur ! Les attaques de cette incarnation du Mal sont en effet très dangereuses, la plupart d’entre elles faisant perdre plus de la moitié de l’énergie de Cornell…
Une fois la victoire finale obtenue, une cut-scene montre Dracula cherchant à emmener Ada avec lui dans les ténèbres mais c’est sans compter sur Cornell une dernière fois qui réussit à dissocier sa forme bestiale de son apparence humaine pour sauver sa sœur adoptive, et c’est bien le pouvoir du loup-garou qui disparaît avec le démon in fine. Puis, après un fondu au noir, on retrouve les survivants près d’un feu dans la forêt, lesquels sont vite rejoints par le jeune Henry qui a pu se mettre à l’abri grâce au pendentif magique que lui avait confié le héros quand ils s’étaient quittés. Ensemble, ils partent à la lumière du jour reconstruire leur village détruit par les flammes dans l’introduction du jeu.
Cependant, il reste un épilogue à l’issue du générique de fin ; c’est apparemment dans un Castlevania qui ne s’est pas effondré comme à l’accoutumée après la destruction de Dracula que l’on retrouve la Mort, Gilles de Rais et Actrise contemplant le grand pouvoir du loup-garou contenu dans un cristal ; la Faucheuse entonne alors une incantation démoniaque pour redonner à son maître disparu ses pouvoirs mais il faudra du temps pour que le Prince des Ténèbres ne se réincarne ; après un fondu au noir, les ultimes lignes de narration expliquent une prophétie d’un prêtre de l’Eglise Orientale Orthodoxe :
« Après sept jours de foudre et de pluie, une lune de sang brillera sur un lac brumeux et les enfants du mal se réuniront dans le vieux château.
Un jeune couple vivant dans un petit village de la forêt enfantera cette nuit-la un bébé aux yeux et aux cheveux bleus.
L’âme du vrai diable se réveillera et jouera une mélodie destructrice le jour des huit ans de cet enfant.
Mais rien ne sert de se lamenter car le seigneur nous a donné l’espoir de confier notre avenir à deux jeunes capables de combattre le diable. »
Autant dire que le garçon de la prophétie n’est autre que Malus jouant du violon dans l’introduction de Castlevania 64 et que les deux héros sont Reinhardt Schneider et Carrie Fernandez, ultime révélation bouclant définitivement la trame de Cornell et faisant le lien avec celles des héritiers des clans Belmont et Belnades.
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La fin de l’aventure pour Cornell
En définitive, cette quête principale de Legacy of Darkness se révèle d’autant plus savoureuse que son héros est aussi charismatique que plaisant à jouer, une véritable bouffée de fraîcheur par rapport à des protagonistes beaucoup plus classiques dans la licence comme Reinhardt ou Carrie ! Et ce sont non seulement l’optimisation de la caméra ou les alternatives de gameplay et de level-designs qui poussent à s’aventurer dans cette préquelle mais également l’intrigue du jeu qui fait de cette vision de Castlevania signée Yuji Shibata mais surtout Takeo Yakushiji pour le scénario une histoire en deux parties aussi singulières que captivantes offrant jusqu’à quatre points de vue différents selon le personnage joué. Mais penchons nous justement sur le sort du dernier héros avant de refermer le Necronomicon…
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D) Un dernier point de vue à la hauteur ?
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L’introduction de Henry
Comme expliqué dans la première partie de cette longue analyse, il s’avère que Henry Oldrey soit ce qu’il est advenu du dernier protagoniste pensé à l’origine par Yuji Shibata et Takeo Yakushiji : au lieu de Coller, mystérieuse créature de Frankenstein avec tronçonneuse greffée au bras droit et armé d’un fusil à pompe de l’autre dont l’histoire restera très probablement à jamais inconnue, c’est le rescapé de la famille Oldrey sauvé par Cornell en 1844 et devenu un jeune chevalier de l’Eglise qui réclame sa part d’héroïsme lui aussi. Seulement, malgré un fusil à pompe en guise d’arme principale, véritable alternative aussi inédite qu’intéressante dans la licence, Henry ne possède aucun pouvoir et ne se frottera jamais à de bien dangereuses créatures démoniaques (les premiers bosses du jeu jusqu’à la Reine des araignées étant les plus fortes parmi celles qu’il peut être amené à rencontrer).
En fait, sa quête se déroule en parallèle de celles de Reinhardt et de Carrie en 1852 ; il a en effet été missionné par l’Eglise pour sauver les six enfants enlevés par Gilles de Rais et Actrise et retenus dans Castlevania (ou dans ses abords) avant que le château ne s’effondre comme l’annonce la prophétie ; le jeune chevalier n’a ainsi que l’espace de sept jours pour porter secours à tous les disparus ! C’est donc une aventure très limitée dans le temps qui s’annonce pour le joueur, ce qui explique en outre que seuls six niveaux du jeu sont explorables dans cette quête (autrement dit un par enfant) : la forêt de silence, l’enceinte, la villa, le tunnel, les douves, et les murs extérieurs !
L’autre grande différence par rapport aux autres quêtes du jeu est que Henry peut aller et venir d’un niveau à l’autre pour trouver les enfants bien cachés dans des levels qu’on pense pourtant déjà très bien connaître mais qui révèlent eux aussi des recoins très probablement non découverts avec Cornell. C’est donc avec un tout autre objectif reposant sur une observation très minutieuse de lieux pourtant familiers que se joue le destin de Henry. Hélas, cette quête annexe qui aurait pu se révéler elle aussi hautement savoureuse devient trop vite accessoire en raison de son scénario trop peu développé d’une part et de sa durée de vie d’autre part !
En effet, la caractérisation du personnage est vraiment mineure, sinon négligée : sans le lien sur ses origines dans la quête de Cornell, cet ultime protagoniste se révèle bien fade car absolument aucune bribe de scénario autre que celle concernant sa « simple » mission n’est mise en avant, contrairement aux autres héros du jeu qui ont tous droit à un certain relief en comparaison, profondeur narrative qui est l’une des grandes forces de leurs aventures respectives.
Heureusement, son arme de prédilection ainsi que l’orientation de sa mission le distingue de Reinhardt, Carrie et Cornell mais hélas son exploration se révèle bien trop courte au bout du compte, et surtout sans aucun réel moment de bravoure ou vraiment marquant pour le faire émerger tel un héros digne de ce titre. En d’autres termes, la quête de Henry est partie d’une bien bonne idée pour compléter un pan annexe de l’histoire imaginée par Takeo Yakushiji mais semble avoir été développée trop vite (très probablement au profit de celle de Cornell) pour être à la hauteur des autres aventures ; en effet, une fois tous les enfants délivrés (lesquels permettent de débloquer les quêtes de Reinhardt et de Carrie), la replay value est quasi nulle, seul le plaisir de pouvoir varier un peu les attaques du personnage principal avec un fusil à pompe en arme de prédilection peut amener le joueur à remettre un pied dans cette mission parallèle. Ainsi, Henry fait vraiment pâle figure comparé aux autres héros, et c’est vraiment un aspect dommageable dans le ressenti final sur la grande épopée aux multiples points de vue que forment Castlevania 64 et Legacy of Darkness…
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La mauvaise fin de Henry
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La bonne fin de Henry
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En conclusion, malgré des écueils surtout techniques certes irritants pour le joueur mais dont on finit par s’habituer voire même à presque oublier dans la version director’s cut, le passage à la 3D de la licence s’est fait plus qu’honorablement et marque un tournant autant dans le gameplay que sur le plan scénaristique dans la saga : Castlevania 64 et Legacy of Darkness constituent les prémices des jeux d’aujourd’hui certes bien plus aboutis techniquement mais dont la richesse narrative reste encore bien trop souvent en dessous des attentes d’un public de plus en plus exigeant car expérimenté. En d’autres termes, c’est en proposant une grande aventure selon quatre points de vue différents que le réalisateur Yuji Shibata et le game designer Takeo Yakushiji offrent à la licence un chapitre apocalyptique aussi haut en couleurs qu’inégal sur le fond et sur la forme, mais surtout une belle promesse de ce que Castlevania peut donner en trois dimensions.
Hélas, les erreurs de Konami à vouloir absolument sortir une première version du jeu sans que les créateurs aient pu aller au bout de leur vision d’origine puis une seconde pourtant bien plus aboutie à peine quelques mois après ont eu raison du succès que le titre aurait dû mériter à l’époque et continuent encore aujourd’hui à ternir sa réputation même auprès de nombreux fans de la licence. Castlevania 64 et Legacy of Darkness n’en demeurent pas moins des pièces de choix bien que perfectibles dans la saga ; que ces épisodes qui n’en font finalement qu’un seul grand soient finalement considérés comme canoniques ou une parenthèse dans la licence n’altère en rien leurs qualités intrinsèques mais laisse seulement entrevoir la longue traversée du désert que va subir la série dans ses tentatives en 3D jusqu’à Lords of Shadow qui réussira à remettre brillamment Castlevania sous les feux des projecteurs et parmi les grandes franchises de jeux vidéo…
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